Trois questions à : Christian Artin
Ne vous y trompez pas : MAIN Demoparty #3 n’est pas un rassemblement de doux rêveurs nostalgiques d’une certaine informatique primitive. Des jeux vidéo à la connaissance, du scratch au développement durable, il n’y a qu’un pas. Christian Artin nous aide à le franchir.
Quel est votre parcours ?
Je travaillais pour le studio graphique d’Apple France en 1984, c’était une sorte de laboratoire d’idées et d’essais. Par la suite j’ai publié un bouquin (1) et l’arrivée d’Internet a orienté mon activité, ou plutôt mon activisme informatique. L’acte fondateur, c’est la création du Cyber Café de la Friche avec Les Internautes Associés en 1995, devenu aujourd’hui l’ECM. La Cyber Nostra, notre association qui organise la MAIN Demoparty, a pour but la promotion de l’usage des nouvelles technologies afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.
Qu’est-ce qu’une Demoparty ?
Cela existe depuis vingt-cinq ans. C’est un rassemblement d’usagers de l’informatique graphique et musicale. On y échange nos savoir-faire. On les confronte aussi, comme dans une compétition sportive ; les critères sont la créativité et la technique. La première génération d’usagers — ceux qui utilisaient des Atari, des Amiga…— a voulu continuer à utiliser son matériel même si les fabricants avaient disparu. Ces rencontres permettaient de mettre à jour les logiciels, elles palliaient en fait l’absence de constructeurs et d’éditeurs. Une Demoparty, c’est un lieu ouvert à tous, même aux non-spécialistes, c’est un endroit où on apprend, on échange. C’est important car il y a aujourd’hui un déficit de connaissances, la nouvelle génération ne fait que consommer de l’informatique, on ne sait plus comment ça marche et à quoi ça sert. C’est un peu comme lire un livre sans savoir écrire. Il faudrait d’ailleurs apprendre le langage informatique comme une langue étrangère. Aujourd’hui, Demoparty #3, c’est bien évidemment des démos, des ateliers d’échange, des expos avec notamment Deci qui exposera des theremins (2) qu’il fabrique lui-même, mais aussi de la musique, avec une soirée scratch music et une soirée micro music.
Qu’est-ce qui rapproche le turtablism de la micro music ? Est-ce l’art du détournement ?
Exactement ! Par le simple fait de mettre la main sur le disque vinyle, les dj’s créent une nouvelle veine musicale. Ils utilisent un matériel très simple, presque primitif — la platine — pour donner naissance à quelque chose. C’est un véritable geste artistique ! En plus, c’est accessible à tous, ça a un côté « do it yourself » qui est excitant. Pour la micro music, c’est la même chose : on transforme un jouet informatique basique en un nouvel instrument artistique. C’est inventif et subversif à la fois. Cela pose aussi la question du sens des objets et des outils. La surconsommation, c’est jeter si ça ne fonctionne pas. Là, on est dans le recyclage et le durable. Cette dimension politique est pour nous très importante. Dans la démarche, on est proche de l’artisanat ! D’ailleurs, pour continuer sur le détournement, on a longtemps souffert de l’amalgame entre hacking et piratage ; et quand on veut pénétrer un système, c’est pour le mettre à jour, l’optimiser, et surtout partager le fruit de ces recherches avec d’autres usagers. A l’heure du tout virtuel, on est vraiment dans l’échange.
Propos recueillis par nas/im
(1) La peinture par ordinateur (Bordas, 1989)
(2) Inventé en 1917 par Léon Theremin, il s’agit du premier instrument de musique électronique. On en joue sans le toucher, il suffit de bouger les mains dans un champ électromagnétique émis par deux antennes pour faire varier la hauteur du son.
MAIN Demoparty #3. Du 16 au 19 à l’Espace Julien (voir agenda)
Programme complet sur www.mainparty.net