Tri sélectif
L’exposition Blaine au [mac] : un Tri retrace avec pertinence le parcours foisonnant de l’artiste en montrant les liens intimes qu’il a noués et noue encore entre sa vie et son art comme engagement quotidien et surtout les passerelles créées entre la poésie — point de départ de sa création — et les arts visuels.
Si l’exposition nous permet d’appréhender la pratique artistique de Blaine des années 60 à nos jours, elle ne prend pas la forme d’une rétrospective traditionnelle en mettant l’accent davantage sur la dynamique de création de l’artiste qui se déploie sur la scène élargie de l’art : la société. Par un mouvement de reprise, les différentes actions dans lesquelles il s’est engagé (adjoint à la culture pour la Ville de Marseille, fondateur du cipM et de nombreuses revues littéraires, etc.) sont rendues visibles dans l’espace de l’exposition. Le « tri » opéré ici dans l’œuvre de Blaine privilégie sa dimension visuelle ou, plus précisément, les relations qu’il ne cesse de mettre en œuvre entre la parole et la perception, entre l’écriture et l’image, entre notre façon de nommer et de voir le monde. La question de l’origine de l’écriture, mais aussi du langage — en tant qu’écriture replacée dans le contexte spécifique du geste et de la vocalisation — a une place importante dans son travail. Blaine se réapproprie l’héritage du futurisme, de Marinetti notamment (qui était animé par la conviction que le langage reflète la nature hiérarchique oppressive de la société), du Dadaïsme (déconstruction du langage avec humour et ironie) et du surréalisme, tout en étant sensible à une variété d’espaces d’écriture, de lecture et de mises en images, remettant ainsi en question les frontières entre nature et culture. Contre une forme de pensée unique, stable et établie, l’indétermination, l’ambiguïté mais également l’ironie et la (auto-)dérision fonctionnent ici comme remparts indispensables à l’éclosion de la vie, aux dynamiques du corps et de l’esprit. A la fin de l’exposition, un néon nous dit qu’il est encore temps de revenir sur nos pas — traverser à nouveau l’espace de l’exposition, en repenser l’évolution, mais aussi, par analogie, notre évolution en tant qu’Homme dans le monde. De l’homme des cavernes à l’homme moderne, il n’y a pas de trajet linéaire effectué : si certaines voies sont tracées, d’autres, comme le montre Blaine, sont encore à explorer, à écrire, à inventer.
Elodie Guida
Blaine au [mac] : un Tri : jusqu’au 20/09 au Musée d’Art Contempotain (69 avenue d’Haïfa, 8e). Rens. 04 91 25 01 07