Bernard Pesce - Le non-dit à Rétine

Bernard Pesce – Le non-dit à Rétine

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L’oreille à la bouche

La série présentée par Rétine, Le Lieu marque un tournant dans la démarche du photographe Bernard Pesce. Après plusieurs décennies passées à fixer la mode, le voici au cœur d’une autre posture qui se veut plus initiatique qu’esthétique : un voyage aux bords des lèvres…

Sobre et — quoiqu’il en dise — belle parce qu’imparablement contemplative, l’exposition nous happe dans la matière et montre le souhait d’aller davantage vers l’abstraction : « Je me rapproche de la peinture avec la photographie », affirme le cinquantenaire charmeur qui n’a pas besoin de dégainer son objectif à tout bout de champ. Etrange d’ailleurs qu’il ne se balade jamais avec son matériel… L’explication est ancrée dans son caractère d’îlien : « Enfant solitaire, j’ai commencé à photographier sans appareil. Je marchais à Porquerolles et j’emmagasinais dans ma tête… » Son propos, proche de l’écriture, le tient encore au corps du matin au soir. Même la nuit, il construit et rêve ses clichés. Ici, avec l’aide d’un cinquante millimètres, de la maquilleuse et des modèles choisis dans la rue, l’hapticité (1) opère. Les pigments ont été superposés : au lieu de cacher stries et crevasses, ils mettent en lumière l’humain. La bouche susurre « Je ne vous dis rien, c’est à vous de voir »… Des paysages se cartographient, des grottes sont à sonder. Les éléments exercent des vibrations teintées des couleurs de la terre, de la mer, de la forêt, de pierre, de nuit, de lune. Dans les défauts de la bouche agit la permission de s’engager autre part. Bernard Pesce assume le choix de rester à Marseille, ville qui lui permet de se concentrer sans la subir, aux promesses maintes fois non tenues, mais dont le réveil passera selon lui par les artistes : il cite Jean-Paul II clamant « N’ayez pas peur ! » Les plasticiens comme Chaussonnet ou Traquandi lui donnent de l’énergie : bosseurs, ils ont l’exigence de parvenir exactement à ce qu’ils ont décidé de dire. L’écrivaine américaine Barbara Kingsolver nous apporte une conclusion à méditer : « L’aventure, c’est ouvrir de nouvelles portes la bouche fermée et les yeux grands ouverts. »

Marika Nanquette-Querette

Bernard Pesce – Le non-dit : jusqu’au 12/11 à Rétine, Le Lieu (85 rue d’Italie, Marseille 6e). Rens. 04 91 42 98 15 / http://expos.retineargentique.com

Notes
  1. Capacité à montrer des effets de matière par l’image[]