Moi et mon cheveu par la Cie La Part du Pauvre
Crépu : attribut ou épi-tête ?
En explorant, dans un joyeux cabaret capillaire, la relation de la femme noire à sa terrible chevelure, Eva Doumbia nous conte l’histoire d’un peuple autrefois aliéné, et aujourd’hui toujours en quête d’une identité black.
Pour échapper à sa condition d’esclave, l’homme noir doit fuir sa négritude, à commencer par son cheveu crépu. Bien plus tard, affranchi comme il se doit, il s’émancipe et revendique fièrement sa négritude. Black is beautiful, à commencer par son cheveu crépu. Et l’histoire de la bouclette connaît sans cesse des rebondissements auxquels les têtes frisées doivent se plier, enfin se lisser, c’est encore mieux. Aujourd’hui, la tendance est nappy, autrement dit natural and happy, retour aux sources et à l’identité. Mais pas facile d’amadouer et d’arborer une crinière indomptable, et de l’assumer dans une société dominée par Barbie Girl. L’histoire du cheveu crépu, c’est aussi et surtout l’histoire de la culture afro, des origines, du métissage. C’est l’histoire de la beauté black, celle des femmes noires. C’est encore l’histoire d’un véritable casse-tête, d’un passe-temps, d’une fierté, d’un boulet, d’un effet de mode, d’un gouffre financier pour certaines, et d’un énorme business pour d’autres. C’est un prétexte pour nous conter des anecdotes amusantes, nous initier aux tresses, aux tissages, aux rajouts et autres extensions, pour retourner au village, pour voyager, pour partager un quotidien trivial ou des questionnements profonds.
D’emblée, on nous installe dans un salon de coiffure, comme on imagine ceux de Noailles. Les filles se racontent des histoires de filles, ça chicotte gentiment, ça papote drôlement, ça rigole fort, on se raconte, on parade. Le salon est une affaire de femmes. En fait, nous sommes dans les loges, mais c’est tout comme. Et puis on se fait virer pour que les filles se changent. Dommage. Rendez-vous de l’autre côté du rideau, the show can go on : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, le cabaret capillaire ! » Chants maliens, congolais, brésiliens et cap-verdiens, portés par des voix magnifiques et servis par deux musiciens, succèdent à des danses africaines empreintes de modernité ; mouvements sensuels ou spectaculaires, courbures énigmatiques, déhanchements fascinants, corps d’ébène ciselés, fesses sculptées… De temps en temps s’insèrent de petites saynètes, un monologue, un sous-titrage ou une vidéo pour compléter nos connaissances capillaires. Du rythme et un seul cheveu conducteur, mais pas n’importe lequel, un cheveu crépu bien sûr. Pour un spectacle décoiffant.
Texte : Yves Bouyx
Photo : Laurent Marro
Moi et mon cheveu par la Cie La Part du Pauvre était présenté du 10 au 18/02 aux Bernardines.
Une nouvelle version en sera présentée du 7 au 9/07 au Gymnase dans le cadre du Festival de Marseille