Mémoires du Grand Nord par la Cie Mathieu ma fille Foundation
Pôle danse
On a connu Arnaud Saury en fantasque Monsieur Loyal des créations de Christophe Haleb. Depuis, il a poursuivi sa route, seul — et un peu moins seul aussi, puisqu’on le retrouve aujourd’hui accompagné de deux comparses de la belle époque : le musicien Alexandre Maillard et la danseuse Séverine Bauvais. Ensemble, ils nous emmènent vers le Grand Nord, pour un voyage plutôt cocasse, mais pas que…
Les seuls titres et sous-titres avaient tout pour nous interpeller… En ouverture des Mémoires du Grand Nord (Comédie où la Tragédie n’apparaît qu’en songe et travestie), le premier volet, Sous nos Pas (The Hidden Side of the Polar Bear Express), amorce l’aventure avec Alexandre Maillard en chemise de bûcheron et grosse barbe, plantant à lui seul le décor d’un Canada de plaines enneigées… L’aventure se poursuit au Paradis (Snow, Dreamachine and Mister Freeze), où la piquante Séverine Bauvais, interprète… un chien !
Comme il n’y paraît peut-être pas au premier abord (potache), ce récit aux allures de voyage initiatique est nourri de réflexions sur le sens de la vie, la solitude, la vie en conditions extrêmes. Mais qui parle ? L’homme ou le chien ?
En choisissant une focalisation pas banale — celle de l’animal —, Arnaud Saury ouvre la porte en grand au dépaysement, et pas seulement géographique. Si le rire est de la partie, il n’est pas le sentiment exclusif : on se marre, certes, mais on part aussi, loin, au son des guitares à la Godspeed You Black Emperor ou de l’électro country d’Alexandre Maillard, musicien polymorphe, à l’âme définitivement rock.
Et on vit le chien, on est le chien, dans les grands yeux de Séverine, qui, par instinct, brave l’extrême pour son maître… En s’accompagnant de ces deux artistes ingénieux, Arnaud Saury montre qu’il sait s’entourer et qu’avec trois bouts de ficelles, il est possible de fabriquer une atmosphère inédite, pour le moins exotique.
Narrateur d’exception, toujours sur un fil tendu entre humour cocasse et grand sérieux, il manie la dérision avec délicatesse — à moins que ce ne soit le contraire…
Joanna Selvidès