Champ harmonique aux Goudes à Marseille
L’Interview
Pierre Sauvageot
Lieux Publics propose une balade éolienne en plein air, permettant à chacun de s’approprier les sonorités symphoniques du vent en action. Rencontre avec le directeur de la structure et créateur de Champ harmonique.
Quelle est la genèse du projet ?
Je voulais revenir à une sorte de naturalité musicale en travaillant sur un espace à l’air libre. L’idée était d’arriver à créer un vrai parcours symphonique avec des instruments à la fois familiers et inédits. Le vent intervient dans chacun d’entre eux à son gré, créant une œuvre sonore en perpétuelle évolution. Le pari a été d’arriver à ce que les sons fonctionnent les uns avec les autres en allant les uns vers les autres. Y compris dans ces moments de relatif silence où l’énergie éolienne se fait discrète tout en étant bien présente.
L’aspect esthétique des instruments, très poétiques, a-t-il fait partie de vos choix ?
J’ai surtout voulu que cet ensemble de textures phoniques cumulatives puisse générer quelque chose qui soit le plus harmonique possible. Le souci esthétique porté sur les objets fabriqués n’est en rien gratuit. L’esthétisme vient se greffer sur le musical et jamais l’inverse. C’est une donnée importante à souligner.
Ce projet étant fortement soumis à l’aléatoire, comment avez-vous composé ?
Pierre Boulez a dit quelque chose comme « Composer, c’est choisir ». Pour ma part, j’aime l’idée de ne pas pouvoir tout maîtriser. Plutôt que « choisir », je « compose avec ». Avec les spécificités environnementales d’un site protégé et réglementé, avec les inconnues météorologiques, avec les mélanges de sons opérés ou non.
Comment avez-vous intégré ces contraintes ?
Le résultat musical ne pouvant être prédit d’avance, certains compositeurs pourraient considérer cette sujétion comme insurmontable à gérer. Ce n’est pas mon cas. Les aléas étant intégrés à la base, ils enrichissent le spectacle, le dynamisent, le rendent plus que vivant. Mais s’il n’y avait pas une direction qui était donnée au projet, cela pourrait rapidement donner du n’importe quoi. J’aime assez que la matière artistique soit traversée par une certaine imprévisibilité des choses, mais pas à ce point ! (rires)
Quelle est votre intention vis-à-vis du public ?
Je souhaite modestement que chaque visiteur — quels que soient son âge et sa sensibilité — se laisse aller dans une sorte de contemplation acoustique faisant appel à son libre-arbitre sensitif. Tout au long du cheminement, il y a une médiation feutrée effectuée par plusieurs artistes qui se relaient et que nous avons nommés « les Eoliens ». Arpentant le site discrètement, ils emmènent le public, par leur seule présence et en silence, à se mettre en éveil et à entrer ainsi dans une histoire singulière : celle du vent en mouvement. Je voudrais qu’une fois repartis, les gens puissent conserver une sorte d’image perceptive goûteuse qui resterait gravée en eux. Ce qui pourrait alors les inciter à revenir une… ou même plusieurs fois. Car le vent étant un matériau imprévisible, il aura toujours quelque chose de nouveau à dire, à travers les instruments qu’il rencontre et à destination des personnes qui prennent le soin de l’écouter et de l’entendre.
Propos recueillis par Valentin Lagares