Rituel pour une métamorphose par la Comédie-Française au Théâtre du Gymnase
Les dessous de l’actualité
Le Théâtre du Gymnase sait choyer son public, et inversement. En lui proposant un texte arabe du dramaturge syrien Saadallah Wannous, joué pour la première fois par la Comédie-Française, avec en tête d’affiche Denis Poladylès, le triomphe est assuré.
Rituel pour une métamorphose est une pièce qui tente un grand pont entre le monde arabe et les conventions de l’Occident. Est-on du côté des Milles et une nuit, de Shakespeare ou plutôt de Molière ? Certainement les trois à la fois. C’est peu dire que la pièce de Saadallah Wannous, mise en scène par le Koweitien Sulayman Al-Bassam, défonce les murs d’une pièce feutrée où se joue l’intimité d’une femme qui décide d’exposer sa nudité au regard des hommes. En suivant les conventions du théâtre classique, la dramaturgie investit le portrait des protagonistes et les fait s’entrecroiser jusqu’à l’exposition de l’intrigue, l’arrestation du prévôt de Damas surpris dans les bras d’une courtisane. Tout cela n’est évidemment qu’un leurre pour mieux s’attacher à Mou’mina, la femme du prévôt qui, dans le désir d’aider son mari, porte un regard sur sa propre vie et sa condition de femme en Syrie. Au-delà de ce que l’on connaît déjà avec la fatwa, subtil engrenage au service de la liberté des hommes et de leur domination absolue sur le droit de vie et sur le couple, ce qui point c’est le degré de prise de conscience de la victime et d’un au-delà possible vers un existentialisme qui annihilerait les codes de la religion. C’est un désir formidable d’émancipation de la femme et en même temps un piège absolu pour la mise en scène, qui devient d’un seul coup un musée de la bassesse du monde où les cris, les larmes et la déchéance des hommes ne font qu’appuyer sur les maux et les clichés de l’actualité. On est loin de la délicatesse du phrasé de Peter Brook, du minimalisme de Robert Wilson, de l’inventivité scénographique de Luc Bondy. Rituel pour une métamorphose cloisonne l’individu plus qu’il ne le libère, créant un certain malaise qui peut être salvateur et réjouissant, mais qui n’a rien de poétique, ce qu’on appelle une satire.
Karim Grandi-Baupain