LC au J1. Le Corbusier et la question du brutalisme au J1
Droit au brut
Figure emblématique de l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture à Marseille, Le Corbusier se voit offrir une place d’honneur pour la réouverture du J1 avec une exposition fleuve sur la Question du Brutalisme, brute de décoffrage.
Architecte, artiste, génie… Le Corbusier a su marquer son époque et l’architecture, en particulier avec sa dernière période, après la Seconde Guerre mondiale.
De son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, l’architecte suisse est devenu, quasiment à son insu, l’une des figures du brutalisme, mouvement né en Angleterre qui est à l’architecture ce que le cubisme est à la peinture. « C’était une toute nouvelle manière de penser l’architecture, à mi-chemin entre l’archaïsme et le modernisme, avec l’emploi de matériaux bruts de décoffrage et non plus transformés », explique Jacques Sbriglio, lui-même architecte et commissaire de l’exposition. Dès les années 30, Le Corbusier tend à s’éloigner des architectures surchargées et des décorations superflues pour aller vers un style qualifié d’« International », plus passe-partout et surtout plus simple. Il couche d’ailleurs noir sur blanc ses préceptes lors de la création de la Charte d’Athènes sur la « ville fonctionnelle » en 1933. La reconstruction d’après-guerre lui donne l’occasion de les appliquer et les avancées techniques dans l’utilisation du béton le poussent définitivement vers le brutalisme. Mais Le Corbusier ne s’arrête pas aux limites définies par le style anglo-saxon ; il prend ses distances et expérimente une vision plus personnelle, portée par les multiples possibilités plastiques que lui offre le béton et mêlant son goût pour les arts primitifs à son envie de faire une synthèse des arts autour de l’architecture. Dans la riche exposition proposée au J1, on retrouve ainsi les croquis et maquettes de la Cité Radieuse au style intemporel, des tableaux aux couleurs primaires, des sculptures qui ne sont pas sans rappeler Picasso et Matisse, ou encore des tapisseries faisant écho à celles mises en place à Chandigarh, la ville indienne qu’il a entièrement pensée et créée. « Dans cette exposition, on suit le cheminement qui l’a mené au brutalisme et l’on découvre de quelle manière sa vision a influencé son traitement de l’architecture et de l’art en général. » Au cœur du J1, lieu on ne peut plus adéquat avec ses piliers de bétons nus, ses poutrelles d’acier et sa lumière naturelle éclatante, les dernières œuvres du Corbusier révèlent la pensée complexe et créative du « Fada », cet avant-gardiste si cher aux Marseillais.
Aileen Orain
LC au J1. Le Corbusier et la question du brutalisme : jusqu’au 22/12 au J1 (Place de la Joliette/Boulevard du Littoral, 2e).
Rens. www.mp2013.fr/lecorbusier-J1
Pour en savoir plus : www.fondationlecorbusier.fr
En marge de l’exposition, on retrouve à la Salle des Machines, la librairie du J1, deux catalogues qui abordent l’œuvre de l’architecte-artiste selon des approches bien différentes. Le premier, en grand format, aux éditions Parenthèses, rédigé sous la direction de Jacques Sbriglio, architecte, commissaire de la présente exposition et déjà auteur d’ouvrages sur le sujet, est bien plus qu’un catalogue imaginé comme une rétrospective de l’exposition. Il s’agit d’une réflexion à superposer à la visite sur le travail d’un architecte en marge de sa profession, qui combine l’art et les projets architecturaux. Un travail de titan couché sur le papier avec brio. Au fil des pages, on y lit des morceaux d’anthologie et de petites tranches de vie de Charles Edouard Jeanneret, devenu Le Corbusier, qui amènent à comprendre sa logique. Ces histoires sont savamment contées par des spécialistes : architectes, urbanistes, chercheurs… A destination des plus érudits de l’art et de l’architecture ou des férus de l’architecte de la Cité Radieuse.
Par ailleurs, trois spécialistes de l’enseignement proposent de décortiquer les œuvres majeures de l’architecte à la lumière des époques traversées (l’influence de la guerre, des arts primitifs, de ses voyages…). En éditant un Point de Rencontre, le CRDP (centre de recherche et de documentation pédagogique), fournit un outil essentiel à la compréhension du travail de l’architecte. A destination des enseignants, cette clé de lecture, moins onéreuse que le catalogue, joue aussi un rôle de décryptage d’une œuvre pour le moins complexe pour le grand public.
Sandrine Lana
• Catalogue sous la direction de Jacques Sbriglio – Le Corbusier et la question du brutalisme (éditions Parenthèses)
• Catherine Kmieckowiak, Christine Ishkinazi et Michéa Jacobi – LC au J1. Le Corbusier et la question du brutalisme (Collection « Point de rencontre »)