Flambant rose

Rose Allumette révèle l’outil et la couleur des dessins de Dominique Castell. Les quatre salles de l’ancien hôtel particulier du Centre d’Art contemporain d’Istres se fondent dans les mondes que l’artiste a pensés pour elles. A chaque espace, son histoire. Entre douceur et incandescence, le parcours se fait sur la pointe des pieds et un air de tango…

L’exposition de Dominique Castell inaugure le nouveau projet curatorial de Catherine Soria, La Vague des sentiments, autour d’une réflexion sur l’exposition et ses ressacs. La commissaire établit des parallèles entre les notions de désir, de souffrance, de nostalgie et le travail plastique lui-même générateur de sentiments. L’idée de la commissaire consiste en un rapprochement de deux artistes, dans un temps différé, où l’un viendra recouvrir l’autre, réagir à son travail, s’y lover ou s’y frotter… Dominique Castell sera ainsi rejointe à mi-parcours par l’artiste allemande Heidi Sill. Les expositions s’enchaîneront à la manière des vagues témoignant du mouvement oscillant des fonds marins. On perçoit ce mouvement répétitif et régulier dans le geste de l’artiste qui dessine. Chez Dominique Castell, il se traduit parfois par la mise en mouvement de ses dessins, donnant naissance à des films dans lesquels les images s’animent, le temps d’une micro narration. L’artiste y met de son temps et de son souffle, qu’elle retient parfois, son geste se combinant dans une chorégraphie mêlant son corps, l’outil et la feuille : des pas de danse, sur un air de tango, au rythme saccadé des images qui s’enchaînent et du trait qui se délie. La danse et le dessin sont issus du même rapport entre le corps et les éléments qui l’entourent. Aux quatre salles du CAC d’Istres, Dominique Castell donne une couleur à ses précieux dessins : des jeux de patience redoutables de finesse et d’une extrême délicatesse. On y voit d’abord l’été, dans les feuillages roses et brûlants d’une végétation dont la finesse et l’exactitude rappellent la dextérité des Primitifs flamands. Malgré son tendre rose, El jardin révèle une nature où les ronces et les épines s’entremêlent et bloquent à la fois le passage virtuel et visuel… Ainsi, le visiteur chemine du blanc au noir et puis du rose au blanc, des forêts au tango. A chaque pièce, un nouveau monde, dans lequel les dessins sont mis en scène. Les petits formats témoignent des étapes et des recherches, les grands se déroulent sur des rouleaux de papier qui s’abattent majestueusement sur le sol. Ce papier, aussi prépondérant que l’allumette avec laquelle Dominique Castell dessine, n’est plus seulement le support, mais bien un élément de l’installation. C’est ainsi que l’artiste embrase le lieu, jusqu’au dernier étage où les traits d’une vague vue du dessus submergent le visiteur et l’embarquent dans une sensation de grands espaces dont il ne ressortira pas tout à fait indemne…

Céline Ghisleri

Dominique Castell – Rose Allumette : jusqu’au 3/05 au CAC – Centre d’Art Contemporain d’Istres (2 rue Alphonse Daudet).
Rens. 04 42 55 17 10 / centredart@ouestprovence.fr