Asco & Friends – Exiled Portraits à la Tour-Panorama
Débobinez, s’il vous plaît
Le groupe d’artistes chicanos Asco débarque en France à l’invitation de Triangle, pour une exposition qui, sous ses airs ludiques, soulève une judicieuse réflexion sociale.
Asco se forme au début des années 70, à Los Angeles, autour de quatre artistes d’origine mexicaine, Harry Gamboa Jr, Gronk, Willie F. Herrón III et Patssi Valdez, qui subissent le racisme ambiant de l’époque, la violence et les injustices quotidiennes. Dans leurs actions, photographies ou collages, ils soulèvent les problématiques sociales et politiques rencontrées par la communauté chicano, avec un goût pour l’excès, la subversion et la théâtralité.
Vivant à côté du monde riche et glamour d’Hollywood, qui les nargue de ses paillettes, ils singent l’économie du divertissement, dont ils utilisent les artifices. Ils inventent notamment le concept de No Movie, des photographies supposément tirées de films qui n’ont en fait jamais existé, pointant ainsi du doigt ce que véhiculent les images, notamment celles des médias. Gronk dit des No Movies qu’il s’agit de « projeter la réalité sans la bobine » (« The real without the reel »).
Dans leurs mises en scènes caricaturales, les crimes dégoulinent de ketchup et les trophées sont en carton-pâte. Quant à leurs portraits photographiques, ils symbolisent les questions identitaires inhérentes à leur origine. Avec humour, Ricardo Valverde, l’air christique et inspiré, pose ainsi dans un appartement déguisé en Inca, avec tout l’attirail que le colon blanc lui prête : plumes, toque et fausses pierreries. Ces fictions sont un prétexte pour donner une visibilité à leur communauté, absente du milieu de l’art. Au lieu de se fondre dans la masse, ils crient leur existence et attirent l’attention via des performances costumées et exubérantes. Leur présence dans la rue est en soi une déclaration, les autorités de l’époque étant farouchement opposées aux manifestations publiques.
Plusieurs étages de caricature et de jeu plus tard, on s’aperçoit que l’absurdité qu’Asco revendique et dénonce a complètement flouté les repères entre fiction et réalité, soulevant une réflexion sur les constructions sociales et la hiérarchie qu’elles induisent.
Adèle de Keyzer
Asco & Friends – Exiled Portraits : jusqu’au 6/07 à la Tour-Panorama (Friche La Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e).
Rens. www.trianglefrance.org / www.lafriche.org
Visites Flash les 12 & 13/04 à 14h30 avec jeux intellectuels (ou pas), dans le cadre du week-end Made in Friche (dès 12 ans)