Pour sa programmation de l’hiver, la Galerie Goutal affirme son attachement à soutenir la photographie de composition et de mise-en-scène avec les travaux de 7 auteurs photographes qui par différentes approches invitent le spectateur à s’interroger sur les limites subtiles entre réalité et fiction. Chacun met en évidence la dualité inhérente au médium photographique à la fois document et art, oscillant entre le réeel, l’imaginaire et l’abstraction.
La fiction mise en abyme de Ole Marius Joergensen
Cinéphile dans l’âme, le photographe norvégien Ole Marius Joergensen conjugue en une image les codes esthétiques du cinéma avec ses impressions personnelles.
On pense notamment à Alfred Hitchcock en contemplant la série Icy Blonds ou à Mon Oncle de Jacques Tati face à la photo The future is coming.
Une nostalgie sourd dans ces photographies où les blondes iconiques, plus évanescentes que jamais, tantôt de dos ou de profil, semblent se dérober au regard du spectateur.
Ole Marius Joergensen, travaille en solitaire. Il imagine une histoire, puis dessine son projet. Il est de ses auteurs qui composent une mise en scène complexe. Le processus créatif demande du temps: repérage du lieu, trouver les costumes, les pièces de décors. Et puis il y a cette lumière. Irréelle, savoureuse, bleue, rose, éthérée.
En extérieur, Ole Marius traque l’instant T qui pourra parfaitement concorder avec son univers intime. Afin de créer une puissance narrative, il utilise également des éclairages artificiels et cinématographiques apportant à ses scènes une tension dramatique.
Surréalistes ou instrospectives, les photographies d’Ole Marius Joergensen sont souvent teintées d’humour. Elles réveillent en nous des souvenirs associés au cinéma mais elles reflètent également la distance qui nous sépare d’une époque où l’on savait encore s’émerveiller.
Mondialement connu, Ole Marius Joergensen a reçu de nombreuses distinctions pour son œuvre (IPA, Le prix de la photographie de Paris PX3, Focus photo, Moscow Photo Awards...) Il a notamment exposé aux Etats-Unis, Norvège, Hong-Kong.
Les images oniriques de Julie de Waroquier
Julie de Waroquier inscrit également la pensée dans ses images. Professeur de philosophie et photographe, elle considère que l’univers du sensible fait partie de notre réalité. Le recours à la fiction lui permet d’augmenter le réel d’une perception subjective.
Repérée depuis ses débuts pour son travail remarquable, cette artiste séduit immédiatement par son univers habité de visions oniriques, sans limitation technique.
Les oeuvres de Julie de Waroquier s’exportent régulièrement autour du globe. Elle s’est distinguée depuis 2010 en remportant plusieurs prix nationaux et internationaux, dont l’International Emerging Artist Award.
Le documentaire subjectif de Pierre Ollier
Pierre Ollier prend appui sur le réel pour établir un glissement vers la fiction. Avec sa série C.L.I.N.T.E.A.S.T.W.O.O.D, il nous entraîne dans le désert de Tabernas en Espagne.
Sur cette terre sauvage qui sert de décor de cinéma depuis le XXe siècle et d'animation touristique, l'auteur part sur les traces du réalisateur Sergio Leone.
Composée comme « une fiction photographique » , cette série nous interpelle sur l'identité et le sens de ce territoire qui semble rejouer éternellement les scènes d'une époque révolue.
Photographe de mode et lauréat des Photomed Awards 2016, Pierre Ollier vit et travaille à Paris.
Les fictions narratives de Olivia et Vincent Goutal
Le duo Olivia et Vincent Goutal essaie de capter l’intimité, le secret derrière le vernis du quotidien. Pour réaliser ces déambulations entre rêve et réalité, ils puisent leur inspiration dans l’imaginaire collectif, que ce soit dans la publicité, la littérature, le cinéma, et surtout dans la peinture d’Edward Hopper, de Caspar Friedrich ou bien dans celle des grands maîtres de l’âge d’or. Leurs photographies impliquent un travail de scénarisation et de mise en scène élaborée. Dans chaque situation, les personnages semblent saisis dans un moment intermédiaire, hors-temps. Et si un fil narratif peut se construire dans l’esprit du spectateur, c’est toujours à l’insu de ce qui est donné à voir.
À la fois familières et étranges, ces images, par leur pouvoir de suggestion interpellent le regard et incitent chacun à développer sa capacité à s’évader des limites de la réalité.
Olivia et Vincent Goutal ont été distingués par les Sony Photography Awards et les International Photography Awards. Lauréats des Photomed Awards 2016, ils ont été récemment choisis par les Editions de l'Olivier pour illustrer la couverture du roman de Jakuta Alikavazovic, L’Avancée de la nuit.
Les photos d’anticipation de François Ronsiaux
La série United Land de François Ronsiaux nous transporte dans le futur. En s’appuyant sur des études scientifiques portant sur une possible inversion des pôles de la planète qui pourraient donner lieu à une fonte des glaces, il imagine un instant T où la terre serait recouverte de 300 mètres d’eau avec les conséquences que cela implique: la cessation de la productivité humaine.Pour composer ces visions, il photographie de par le monde des bâtiment iconiques, symboles de la puissance de l’homme, qu’il place dans un milieu aquatique.
Belles et troublantes, si ce n’est apaisantes les images de François Ronsiaux nous font prendre conscience de la fragilité de notre environnement et nous portent à imaginer une société où l’homme concevrait son existence autrement que par le progrès et la production économique mais plutôt en harmonie avec son espace vital.
Photographe plasticien, président du collectif d’artistes l’Entreprise et cofondateur de l’espace Plateforme à Paris, François Ronsiaux a été lauréat finaliste du prix international d’art contemporain de la fondation François Schneider, il est régulièrement exposé en France et à l’étranger.
Aux portes de l’abstraction avec Pierre Vogel
La fiction peut aussi naître d’un souvenir. Avec sa série Atmosphères, le photographe plasticien Pierre Vogel matérialise cette lumière qu’il a perçue lors d’une expérience de mort imminente. Pour retranscrire ce rayonnement dans son environnement si particulier, il a fait le choix d’utiliser le papier comme support de travail. Un matériau qu’il apprécie pour sa malléabilité et aussi sa fragilité. A partir de lambeaux altérés par différents procédés chimiques, il érige de délicats édifices au travers desquels la lumière du jour va filtrer. L’acte photographique permettra de sceller cet instant où l’auteur reconnaitra dans cette fugace création, ce souvenir indélébile.
Les compositions de Pierre Vogel sont habitées par des séries de vagues, sublimées par un jeu subtil de lumières et de variations monochromatiques qui nous rappellent parfois l’œuvre de Mark Rothko. De la complexité du processus créatif surgit alors un univers à la beauté abstraite qui stimule notre imagination
Pierre Vogel, né en 1946, vit et travaille à Marseille. Il a reçu en 2013 le 1er prix du groupe Alain Ducasse.
Les utopies de Philippe Calandre
Philippe Calandre remet en question notre perception du réel avec ses Utopies. Sa démarche même implique une réflexion quant à notre capacité à capter le réel. En effet, si la prise de vue participe à la création de ses oeuvres, elle est exclue de la composition finale.
Au fil de ses voyages, l’auteur photographie des bâtiments, des paysages. Des images qui constituent une réserve dans laquelle il puise pour recomposer une univers grâce à la technique du photomontage. Une autre réalité surgit alors avec des paysages fantasmagoriques, des bâtiments improbables. L’auteur nous transporte vers des contrées indéterminées dans lesquelles nos rêves et notre inconscient peuvent se projeter.
L’oeuvre de Philippe Calandre est présente dans le Fonds national d’art contemporain, la Fondation Wilmotte, la Fondation Artemide, La Cornue S.A et de nombreuses collections privées.