Cette programmation a pour un cadre un colloque inscrit dans l’axe de recherche Imaginaire urbain en Méditerranée du LESA et issu d’un programme de recherche mené sur le Centre Méditerranéen de Création Cinématographique (Programme histoires, archives, pratiques et rayonnement, C.M.C.C., Pépinière Amidex, 2017-2019). Ce colloque s’intéresse aux productions des cinéastes arpenteurs. Le programme de recherche sur le C.M.C.C., actuellement en cours, reconstitue l’histoire du centre à partir de ses archives, de ses productions et de témoignages. Dans le prolongement des recherches menées par les membres du comité scientifique, ce colloque propose de prendre comme point de départ un projet de film de René Allio, Un Labyrinthe, pour interroger la démarche de cinéastes qui explorent, décrivent, arpentent un espace défini. Problématiser la notion de territoire en cinéma sera au cœur des préoccupations.
Robert Kramer fut un des collaborateurs de ce projet de film collectif. Intervenant au séminaire Écriture, sa présence au C.M.C.C. fut marquante pour les jeunes cinéastes et visiteurs des rencontres du centre. Actualiser la réflexion sur ses films, les programmer, revenir sur la pensée, son écriture, est une manière de poursuivre et d’ouvrir notre programme de recherche sur le C.M.C.C.
Ce colloque envisage d’interroger des cinéastes qui arpentent, parcourent, décrivent et tissent des territoires réels, imaginaires ou fantasmés. Leur œuvre offre un travail de figuration filmique qui permet de penser l’espace dans son épaisseur temporelle. Le cinéaste-arpenteur est celui qui sort des terrains quadrillés et marqués par les signes du pouvoir pour échapper aux circulations rapides, aux rythmes effrénés des vitesses imposées. Il donne à voir ce qui ne se reconnaît pas, ce qui échappe à ce qui était prévu, ce qui tend à disparaître et pourtant fait trace. Ainsi les films qui seront abordés produisent des territoires inédits, hétérogènes. Ils figurent une géographie de trajets et des intervalles réels, désirés ou imaginés qui attestent, comme le note René Allio dans Un Labyrinthe, que « le réel, présent ou passé, remémoré pour un autre et narré, devient aussi le fruit d’une création ». Les mouvements de migration, les communautés imaginés, les paysages modifiés par l’industrie ou les technologies affectent le territoire connu et le transforment en un flux en mouvement et en construction permanente. Le travail des cinéastes arpenteurs est celui qui engage le spectateur dans une exploration de la mémoire intime et collective et le confronte à ce que le territoire charrie d’histoires et de représentations. Le territoire s’élargit alors hors de ses frontières, vers d’autres espaces.
Le C.M.C.C. avait été pensé comme un outil d’aide à la production et à la création cinématographique. C’était aussi un lieu d’échange et de réflexion. Les liens d’amitiés et de travail de Jacques Allaire, administrateur du centre, de Jean-Pierre Daniel et de Renaud Victor, tous actifs et présents au C.M.C.C., avec Fernand Deligny, nous engagent à poursuivre la réflexion sur la pensée de ce dernier sur l’espace et l’image. Les colloques, les discussions et les travaux de création initiés par Allio, portaient sur le territoire de la narration filmique, sur les rapports entre centre et périphérie et sur les ruptures et les continuités du cinéma en méditerranée. Cet ensemble théorique associé aux films réalisés et aux projets de scénarios qui y ont été discutés nous invitent à réactualiser ces réflexions sur la création cinématographique en région. Or, une région n’est-elle qu’un territoire géographique ou administratif ? Le texte d’Allio envisage celle de Marseille comme un territoire de mémoire, d’oubli et de pensée en devenir. C’est donc dans cette perspective que les territoires arpentés seront ici envisagés.
Pour votre information, le Videodrome 2 reçoit uniquement les projections liées au colloque.
Emmanuel Vigne