Printemps du film engagé
Résistance électrique
Du 12 au 19 avril, la huitième édition du Printemps du film engagé nous invite à débattre collectivement autour des grands enjeux de luttes qui secouent l’état du monde. Une programmation d’excellence, accompagnée d’invité·e·s de premier plan.
Avec l’explosion du documentaire distribué en salles dans l’hexagone ces quinze dernières années, nous assistons indéniablement à une transformation des pratiques dans les mille cinq cents cinémas classés « art et essai » du territoire. En effet, le documentaire représente aujourd’hui plus de 20 % des sept cents films distribués chaque année en France. Et parmi eux, bon nombre aborde maints sujets de luttes ou d’engagements, que ce soit sur les zones de conflits du globe, sur les combats sociaux, pour un digne accueil des migrants, pour la résistance environnementale ou en faveur des droits des femmes. Ces séances sont bien souvent accompagnées des cinéastes ou d’intervenant·e·s, et se construisent globalement avec les associations militantes : la salle de cinéma est donc devenue une agora de premier plan, le film devenant le moteur d’un échange collectif et d’un réveil des consciences. En ce sens, la transformation numérique des systèmes de projections a permis à des films aux budgets réduits de trouver le chemin des salles, voire des nombreux lieux alternatifs dont le maillage est particulièrement extraordinaire aux quatre coins de l’hexagone. Les cinéastes s’en emparent ainsi avec justesse, à l’instar d’un Yannis Youlountas, parti depuis quelques mois sur les routes de France afin d’accompagner son dernier opus,
Nous n’avons pas peur des ruines, avec un réel succès.
Au cœur de la cité phocéenne, le Printemps du film engagé participe pleinement de cette dynamique. Du 12 au 19 avril, aux cinémas Le Gyptis, Les Variétés, le Vidéodrome 2, l’Alhambra, l’Alcazar et La Baleine — sans oublier la séance spéciale à l’École Supérieure d’Art d’Aix en Provence, avec l’Institut de l’Image, le 5 avril —, l’équipe organisatrice nous convie à un ensemble de projections-débats sur le thème « Faire monde dans un monde défait ! », déroulant une programmation comme à l’accoutumée exemplaire, soutenue par diverses associations ou collectifs, du Réseau Hospitalité à Primitivi, en passant par Survie. Ce sera le cas du week-end d’ouverture, avec le diptyque de Shu Aiello et Catherine Catella,
Un Paese di Calabria et
Un Paese di Resistanza, qui font du village de Riace, en Calabre, le centre névralgique de l’accueil des migrants en Europe, mais également de la répression contre les mouvements solidaires, véritable venin dans la politique fasciste actuelle en Italie.
L’un des autres temps forts de cette huitième édition sera consacré à la Palestine, et aux massacres que la communauté internationale laisse se perpétrer sans grande résistance, outre quelques faibles condamnations éparses. À l’occasion de la projection du film
Les 54 premières années d’Avi Mograbi, en sa présence, invitation sera faite au grand poète et essayiste palestinien Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco et parrain de cette nouvelle édition. Une rencontre exceptionnelle à ne certainement pas manquer, qui sera l’occasion d’un appel à la paix entre les peuples.
Parmi les autres thèmes abordés lors de ce cru 2024, nous retrouverons une radiographie des centres de santé, avec le film
Le Château en santé d’Olivier Bertrand, la place des femmes dans les sociétés post-coloniales avec
Hyènes de Djibril Diop Mambéty, la puissance insoupçonnée des travailleuses dans les métiers de service avec
Le Balai libéré de Coline Grando, la crise du soin en France avec
État limite de Nicolas Peduzzi, ou l’avenir politique du Liban, et sa jeunesse, avec l’excellent
Anxious in Beirut de Zakaria Jaber. Autant de moments d’échanges et de cinéma qui rendent cette manifestation tout à fait nécessaire dans la situation actuelle du monde.
Emmanuel Vigne
Printemps du film engagé : du 12 au 19/04 à Marseille.