L’Interview : Ahmad Compaoré
Improvisateur de haute voltige, instigateur des soirées Musique Rebelle, artiste engagé, humaniste conscient… le batteur marseillais fait le point avec nous dans le studio de la Friche qu’il a monté de ses propres mains, la Boîte à Musique.
Pourquoi la batterie ?
Parce que je suis un guerrier. La batterie, c’est un combat. Je m’exprime à travers elle, parce que je ne peux pas faire autrement. C’est un besoin vital : une force tellurique qui envahit le corps, à la fois rythmique et mélodique. Heureusement que j’ai ça…
Peut-on dire que tu n’as jamais choisi un genre musical en particulier ?
Je n’ai jamais été enfermé dans un seul style. Bien au contraire… Le musicien et compositeur Fred Frith m’a ouvert les oreilles à la musique improvisée, c’est mon mentor. J’ai également été influencé par des artistes comme Prince ou Zappa, mais aussi par la musique africaine et égyptienne, car ce sont mes racines. Je trouve d’ailleurs le hip-hop égyptien qui a émergé un peu avant la révolution particulièrement novateur.
As-tu de nouvelles perspectives en 2012 ?
Je me rends compte que nous avons abattu, avec ma collaboratrice, un travail phénoménal durant ces trois dernières années. Notre association a pris de l’ampleur dans le paysage culturel local et international, et est à l’initiative de plusieurs projets de création. J’ai toujours le même rythme de travail intensif depuis 1990. Après, je fais de la musique par passion, parce que ça me rend heureux, et je n’attends donc rien en retour. Je gagne aussi ma vie en donnant des cours de batterie. Mais rien n’est jamais gagné, surtout à Marseille.
A propos, qu’est-ce qui a changé dans le paysage musical marseillais durant ces dix dernières années ?
Pas grand-chose malheureusement. Par certains aspects, Marseille me fait penser à New York : il y a l’ambiance et le métissage, mais pas la mentalité. Il manque la solidarité et cette conscience qui permet d’aller au plus haut et jusqu’au bout de ses objectifs. C’est comme pour les porteurs de projets : une fois qu’elles ont perçu leurs subventions, en partie grâce aux artistes, certaines structures ne suivent pas leurs engagements. Ici, on a l’impression de stagner, il y a encore pas mal de barrières, et de la discrimination envers les artistes qui ne rentrent pas dans le moule. Il manque le respect à Marseille. Je ne peux pas dire que je me sens pleinement comblé, ici, en tant que musicien. En ce qui me concerne, il faut être indestructible.
Est-ce différent ailleurs ?
Oui. En Inde et au Japon, je jouais presque tous les soirs, alors que j’y étais quasiment inconnu. Et je suis vite devenu quelqu’un de populaire parce que les gens s’intéressent à toi et veulent partager. Je pense également qu’à Paris, il y a plus d’ouverture du point de vue des mentalités, malgré ce petit côté conventionnel. Les Parisiens semblent un peu plus ouverts que nous, sur la black music par exemple. Quand tu vois Yusef Lateef programmé à la Villette…
Le futur ?
Mon rêve, c’est de monter mon propre label pour promouvoir et défendre les artistes marseillais qui ont des choses à dire, comme à travers les soirées Musique Rebelle. En tout cas, pour MP 2013, j’espère qu’il y aura de belles propositions, mais pour le moment je n’en sais rien, et je ne sais pas quoi en penser. Sinon, j’ai des projets de collaboration avec Philippe Petit, Hifiklub et aussi mon trio Oriental Fusion (Hakim Hamadouche et Edmond Hosdikian) qui s’est reformé cette année et avec qui on devrait faire un belle rentrée.
Propos recueillis par Jordan Saïsset
Photo : Pirlouiiiit – www.concertandco.com
Musique Rebelle Junior : le 3/06 à l’Abribus Plage du Prophète (Corniche J.F. Kennedy, 7e)
Oriental Fusion: le 7/06 avec au Bar de la Plaine (57 Place Jean Jaurès, 6e) et le 8 à la Machine à Coudre (6 rue Jean Roque, 1er).
Rens. www.myspace.com/ahmadcompaore
12e Round de Musique Rebelle: le 16/06 au Cabaret Aléatoire (41 rue Jobin , 3e).
Rens. www.musiquerebelle.com