Le conte est bon

L’Autre Compagnie met brillamment en scène l’un des contes les plus populaires de notre temps en s’appuyant sur les techniques de la bande dessinée. Ou comment redécouvrir Les Aventures de Pinocchio.

Il était une fois… un morceau de bois à brûler devenu pantin, comme un lointain cousin de l’Arlequin de la commedia dell’arte, fabriqué par le menuisier Gepetto pour remplacer le petit garçon qu’il n’a jamais eu. Nous connaissons tous les aventures de Pinocchio, qui parviendra à devenir un vrai petit garçon. Elles appartiennent à l’imaginaire collectif : c’est l’un des livres les plus traduits au monde, mille fois adapté, remanié, parodié…
En s’attachant à la dimension épique et poétique du conte, l’Autre Compagnie et son metteur en scène, Frédéric Garbe, réussissent parfaitement à mettre en image le caractère impressionniste et émotionnel des événements et les thématiques qui constituent cette quête initiatique. La forme du spectacle s’inspire des théories de Will Eisner (immense auteur de BD, créateur du justicier masqué Le Spirit, inventeur du roman graphique…) sur l’art séquentiel. Techniques de récits, d’ellipses et règles de découpage rythmique sont utilisées pour créer une succession de tableaux oniriques, burlesques, parfois cauchemardesques. Les acteurs sont au centre de ce dispositif où animation d’objets, projections vidéo et travail sonore définissent plusieurs espaces à différentes échelles, mêlant le très petit au très grand. L’artifice théâtral est dénoncé, ses codes sont visibles mais l’émotion et le merveilleux surgissent avec encore plus de force de ce postulat. C’est un très beau spectacle qui s’apparente à la bande dessinée, conciliant le récit d’aventure et sa dimension poétique, laissant une place importante à l’imaginaire du spectateur. L’histoire du pantin passe par le filtre des points de vue des autres personnages, amis ou ennemis, appartenant en majorité au monde animal. Elle n’est pas racontée de façon chronologique, faisant ainsi coexister et interagir les différentes dimensions du conte. Les séquences se font l’écho les unes aux autres, mettant en lien une multitude de thèmes : le rapport au père et à la mère, à l’autorité, à l’absence et la mort. On y trouve également la monstruosité, la transformation et, plus positivement, la quête de liberté, d’émancipation et de découverte de soi. Une réussite qui ne vous laissera assurément pas de marbre, ou de bois…

Olivier Puech

Les Aventures de Pinocchio par l’Autre Compagnie : le 27/11 au Théâtre Antoine Vitez (Université de Provence – 29 avenue Robert Schumann, Aix-en-Provence), dans le cadre du festival Mômaix.
Rens. : 04 42 59 94 37 / theatre-vitez.com / www.momaix.fr

A voir aussi :
– le 1/12 au Carré Léon Gaumont (Sainte-Maxime). Rens. : 04 94 56 77 77 / www.carreleongaumont.com
– les 28 & 29/01/2016 au Théâtre des Halles (Avignon), dans le cadre de fest’Hiver. Rens. : 04 32 76 24 51 / www.theatredeshalles.com