Jean Genet, l’échappée belle au MuCEM
Vagues à l’âme
La Méditerranée est indissociable de la vie et de l’œuvre de Jean Genet. L’exposition Jean Genet, l’échappée belle s’attache ainsi à restituer ce lien profond avec celle qui forgera l’imaginaire d’un enfant abandonné…
Mauvais garçon de la scène littéraire française, Jean Genet fascine tant par sa vie légendaire que par ses écrits, conjuguant le mal et l’érotisme. Confié à l’assistance publique alors qu’il n’avait que sept mois, Jean Genet connaît une enfance marquée par ses vagabondages. Fuguant des foyers pour orphelins de la IIIe république, il commet ses premiers petits larcins alors qu’il n’a que dix ans.
Jeune adulte, il s’engage dans la légion étrangère et découvre pour la première fois l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Comme d’autres génies littéraires avant lui (Rimbaud, pour ne citer que lui), cet étranger au monde (et à lui-même) fera de la Méditerranée ce pont qui joint Europe et Orient, sa terre d’exil.
Ses errances répétées en bord de mer, ainsi que ses trois œuvres phares (Le Journal d’un voleur, Les Paravents et Un Captif amoureux) rythment l’exposition accueillie par le Fort Saint-Jean. Le Journal d’un voleur retrace ses premières années vagabondes (et de tutelle) qui forgeront sa légende. Son abandon, ses fugues, ses détentions, ses premières amours masculines et sa mendicité en Espagne vont faire de Jean Genet ce génie maudit adoré par l’élite intellectuelle parisienne. La visite se poursuit avec Les Paravents, pièce de théâtre subversive et anticolonialiste autour de la Guerre d’Algérie. Son adaptation à l’Odéon de Paris avait provoqué des manifestations violentes, notamment par des groupuscules d’extrême droite. Dans ce fracas médiatique, Jean Genet s’éclipse de la scène littéraire. Il fuit sa célébrité et préfère consacrer ses dernières années à des engagements sociaux et politiques : la cause noire américaine, les Black Panthers ou la cause palestinienne… C’est cette dernière qui poussera le vagabond à réécrire. Un Captif amoureux, son dernier roman trouvé à sa mort, et le massacre de Chatila en 1982, illustrent le retour dans cette Echappée belle. Entre manuscrits originaux, correspondances et photographies de l’enfant abandonné (connues pour son regard mélancolique), les commissaires de l’exposition, Albert Dichy et Emmanuelle Lambert, dévoilent un Jean Genet blessé et, surtout, emporté par la mer.
Emily Bonzom
Expo Jean Genet, l’échappée belle : jusqu’au 18/07 au MuCEM (Quai du Port, Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org