24 fois la vérité de Raphaël Meltz
Meltz édite
L’écrivain Raphaël Meltz vient de faire paraître en cette rentrée son cinquième roman, 24 fois la vérité, aux éditions du Tripode. À la fois fresque sur l’histoire du cinéma et évocation du siècle dernier ne négligeant pas pour autant des préoccupations contemporaines, cet ouvrage riche et passionnant présente en parallèle l’existence d’un opérateur de cinéma qui a vécu quasiment tout le XXe siècle, et celle de son petit-fils, romancier installé à Marseille qui a décidé d’écrire sur la vie de son grand-père.
Le nouveau roman de Raphaël Meltz s’attache à suivre l’histoire de deux personnages.
Tout d’abord, Gabriel P. qui, né en 1908 et décédé en 2009, traverse tout le XXe siècle. D’autant plus que passionné par le cinéma naissant, il va devenir opérateur pour les Actualités Pathé dès les années 1920, et ainsi vivre les grands événements du siècle dernier à travers le prisme de la caméra : de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au 11 septembre 2001, que Gabriel filme — mise en abyme absolue — sur son écran de télévision au moyen d’une vieille caméra, comme s’il lui fallait la distance de la machine pour mieux « révéler » la réalité.
Car plus encore que le cinéma, c’est la médiation des images filmées sur le réel qui est le grand sujet du livre.
En parallèle à la vie de Gabriel P., on suit l’histoire d’Adrien, son petit-fils.
Journaliste spécialisé en nouvelles technologies qui font écho à la passion pour les caméras de son grand-père, Adrien est aussi écrivain (son vrai travail !) et, après quelques romans confidentiels, il a décidé d’écrire sur ce grand-père disparu dix ans plus tôt, la littérature étant elle aussi une médiation du réel avec une approche cependant plus distanciée que celle des images filmées.
Grâce à une documentation qu’on imagine foisonnante, Raphaël Meltz reconstitue avec minutie, mais aussi une réelle humanité, de grands événements du XXe siècle, rendus encore plus vraisemblables par les descriptions techniques d’une précision ahurissante des différents appareils qu’utilisent aussi bien Gabriel que son petit-fils.
Avec une écriture plus sensible que dans ses premiers romans, Raphaël Meltz arrive à insuffler en plus de l’humour une certaine gravité à l’histoire d’Adrien, comme à celle de Gabriel, un homme qui a vécu 101 ans et a donc forcément traversé des joies mais aussi des drames, au premier rang desquels le décès à onze ans d’Hélène, sa sœur aînée, alors qu’elle venait de le filmer avec la caméra de leur père. Une tragédie qui le marquera jusqu’à la fin de sa vie — émouvant final du roman que nous ne vous dévoilerons pas. Non, non, pas la peine d’insister !
Écrivain installé à Marseille depuis plusieurs années, Raphaël Meltz n’en oublie pas sa terre d’adoption, à laquelle il consacre un chapitre étonnant narrant l’assassinat en 1934 du roi Alexandre Ier de Yougoslavie, abattu en pleine Canebière. Un événement tragique capté par la caméra de Gabriel pour les Actualités Pathé, qui fut par ailleurs un des premiers assassinats à être filmé en direct, marquant ainsi le début de l’emprise des images filmées sur notre vision du réel.
« Si la photographie c’est la vérité, alors le cinéma c’est 24 fois la vérité par seconde. »
Cette citation découverte par Adrien dans un film de Godard et qui donne son titre au roman de Raphaël Meltz est éloquente : les images nous délivrent une certaine vérité des événements, celle de celui qui regarde, celle de celui qui écrit… mais qui n’est peut-être pas tout à fait celle de celui qui les vit.
JP Soares
Raphaël Meltz – 24 fois la vérité (éd. Le Tripode). Parution : août 2021 – 288 p. – 15 x 22 cm – Prix : 20 €