Une 5e Saison, Biennale d’Art et de Culture
Une saison d’Aixception
Une 5e Saison, c’est la nouvelle Biennale d’art et de culture d’Aix-en-Provence, qui a l’ambition de faire fleurir un deuxième printemps du 26 mars au 17 avril ; une heureuse reviviscence après la dormance forcée du long hiver masqué ! Dans ce qui fait les arts et la culture, on compte au programme du spectacle vivant, des expositions et installations, de la BD, du cinéma… un grand foisonnement bottelé en cinq parcours, à Aix et alentours.
Le lancement de la Biennale sera dense, le week-end 26 mars. À vos marques ! C’est justement depuis nos marques que l’artiste plasticienne Karine Debouzie trace le troisième parcours. Ses Chemins de désir renvoient poétiquement aux lignes bien connues des urbanistes : ce sont ces chemins rebelles, tracés par les multiples pas en dehors des clous, émancipés des trottoirs, des balises ou des goudrons, ce sont des désirs rendus visibles par la terre battue au gré des indépendances urbaines, entre le refus de suivre une route toute tracée, et les marques d’une réunion inconsciente, d’une discrète rébellion. Guidage promouvant aussi l’autonomie et l’égarement, Karine Debouzie peint un fil et se fait Ariane pour permettre aux promenades aixoises de s’enrichir sur cinq kilomètres d’une vingtaine de haltes culturelles, unies par la Biennale. Rassurons-nous, si le fil disparaît dans un caniveau, les ruelles, même si elles se révèlent parfois labyrinthiques, ne cachent a priori pas encore de Minotaure.
À moins que ! Suivant l’idée de Jacques Rebotier, les « bêtes » ne seraient peut-être pas tant ces créatures effrayantes, loin des formes et pensées humaines… Sa lecture-performance, dimanche 27 à la Manufacture, dénoncera justement le spécisme humain et sa domination millénaire. Contre Les Bêtes désosse le langage et décortique nos pensées pratiques, avec une ironie qui, elle, rugit et mord, pour cette lutte qui n’en finit pas, pas même après les plus de deux cents représentations.
Si il y a en a une qui n’est pas encore menacée d’extinction, c’est bien la thématique animale, puisqu’entre le cycle cinéma « Nous (et) les animaux » proposé par l’Institut de l’Image, l’exposition Des Animaux qui font signe de Guy Calamusa à la Fondation Saint-John Perse, nous pourrons encore aller entendre et parler La Langue des Oiseaux à la Bibliothèque Cézanne. La plasticienne des mots Emmanuelle Bentz — avec les femmes hébergées au Relais des Possibles(1) et les publics de la bibliothèque — y sténographie une collection ornithologique où les noms d’oiseaux sont se font jeux de mots. L’exposition transforme les oiseaux en cryptogrammes, déconstruisant le langage, ses sonorités et sa sémantique.
Suivant toujours nos envies d’art et de culture, nous saurons aussi être projeté.e.s vers des hauteurs célestes si l’on pousse la balade jusqu’au centre d’art du 3BisF, qui propose quant à lui un parcours en forme de projection astrale. Pour une troisième édition, la Soirée Astrale sera composée des Apparitions sur le récif de Marion Storm, une performance dansée avec Alex Viteri et Daniel Lühmann, qui explorera non plus les territoires extérieurs, mais nos architectures intérieures, en s’appuyant sur une installation in situ. S’ensuivra la pièce de théâtre (ou de non-théâtre) Conservation autour d’un projet de non-spectacle, à définir entre autotélisme ou mise en abîme, écrite et jouée par le comédien, metteur en scène et fondateur de la compagnie Pop Manuscrit, Jesshuan Diné ; avant une projection continue du film Trek Danse et son installation tout autour, de Robin Decourcy, qui contient en lui-même un bal astral…
Puisque les mises en abîmes, les superpositions des parcours et de leurs différents sens et pratiques constituent le cœur de la Biennale d’Aix qui veut nouer et baliser les essaims d’œuvres, citons encore deux itinéraires et une ruche. On parlait du chorégraphe-performeur Robin Decourcy, et de son film Trek Danse. Trek Danse est en fait né de la Trek Danse Pastoral, une randonnée dansée que nous sommes appelé.e.s à rejoindre pour une marche artistique et festive de quelques heures, à la découverte des paysages et des relations que l’on y attache. Un cortège inclusif, rythmé par des sons improvisés aux partitions en temps réel, faites de notes inspirées des scènes techno, traditionnelles et expérimentales…
Dans un paysage moins vert, plus rocheux car plus urbain, la déambulation Garantir la Survie Magique, programmée par l’association Voyons Voir pour l’art contemporain et le territoire, et orchestrée par l’artiste Julien Bourgain, membre du collectif Chic d’Amour, envahira le centre historique d’artistes et d’œuvres collectives, performances, et vidéos pour se poursuivre toute la soirée au sein de l’école des Beaux Arts, sur la fameuse électro de Sasha et Dasha. On vous garantit que l’esthétique patrimoniale du centre historique en sera quelque peu transcendée.
Et parmi la pléthore de propositions artistiques du week-end, on peut encore vous conseiller d’entrer dans la ruche pirate du Pavillon Noir, d’aller rafraichir vos philosophies deleuziennes et spinozistes dans les solo rockambolesques de Jimi Hendrix. Non, ça fait sens, sens psychédélique peut-être, mais sens, dans ce nouvel espace qu’ouvre le chorégraphe Angelin Preljocaj et son ballet éponyme, entre archives sonores et compositions pour bottlenecks. Expérience(s) à suivre !
Margot Dewavrin
Une 5e Saison, Biennale d’Art et de Culture : première saison du 26/03 au 17/04 à Aix-en-Provence et alentours.
Rens. : www.une5emesaison.fr
Le programme complet de la Biennale d’Art et de Culture Une 5e Saison ici
Notes
- Le Relais des Possibles est une association qui soutient les femmes isolées, victimes de violences, et qui ont des enfants à charge, en leur proposant notamment des logements et des ateliers culturels et artistiques.[↩]