Martin Circus
L’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence fait sa rentrée en grandes pompes en consacrant une rétrospective plutôt fournie et réjouissante à ce monstre sacré du cinéma américain qu’est Martin Scorsese.
« Chaque année, nous ouvrons la saison avec un cinéaste contemporain majeur pour amener les nouveaux étudiants et les autres à découvrir l’Institut et les projets que nous mettons en place », explique Sébastien Clerget. Parmi l’importante filmographie du cinéaste new-yorkais, l’Institut a choisi treize œuvres qui ont marqué sa carrière autant que l’histoire du cinéma. Dans Who’s That Knocking at My Door, premier long métrage du réalisateur, on retrouve déjà, malgré ses vingt-trois ans, les obsessions du maître : la ville de New York, toile de fond de la plupart de ses films, et sa communauté italo-américaine. Harvey Keitel y incarne une petite frappe qui se débat entre sa vie de voyou, la rencontre d’une femme et son éducation catholique. Martin Scorsese, qui serait devenu prêtre s’il n’avait pas été viré du séminaire, explore comment les valeurs et les interdits intériorisés par son éducation catholique entrent en conflit avec la violence du monde dans lequel évolue le personnage. Ce conflit destructeur, que l’on retrouve dans Mean Street et dans La Dernière Tentation du Christ, trouve son apothéose avec l’explosion de Travis Bickle dans Taxi Driver. Autre thème récurrent qui a marqué la carrière du cinéaste dans l’imaginaire collectif : le film de gangsters. En racontant, dans une déflagration de rock’n’roll, des histoires de voyous italo-américains avec costumes sur mesure et flingues sous la veste, et de vieux parrains qui se goinfrent de spaghettis dans les arrières-boutiques, Scorsese a créé un genre à part entière tout en donnant une nouvelle place à la musique au cinéma. Et ses personnages évoluent avec lui. De petites frappes dans Mean Street, ils deviennent des truands sans foi ni loi avec Les Affranchis avant de racheter Las Vegas dans cette tragédie grecque sous acide qu’est Casino. Cette rétrospective offre aussi l’occasion de voir le monumental Raging Bull sur grand écran ainsi qu’After Hours et La Valse des pantins, deux films considérés comme mineurs et pourtant totalement jubilatoires, intelligents et inventifs. Passionné de blues et de rock’n roll, Scorsese s’est aussi illustré à travers des documentaires musicaux de grande classe. L’Institut a choisi de projeter Du Mali au Mississippi qui revient sur l’histoire du blues, des rives du Niger aux champs de coton de Louisiane.
De Who’s That Knocking, où Harvey Keitel drague sa belle en lui racontant dans le détail La Prisonnière du désert de John Ford, à Hugo Cabret, conte sur une vie rêvée de Georges Méliès, Scorsese, cinéaste cinéphile, n’a cessé de déclarer son amour au cinéma.
Daniel Ouannou
Cycle Martin Scorsese : jusqu’au 2/10 à la Cité du Livre (8/10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens. 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org