Lucky You – (USA – 2h02) de Curtis Hanson, avec Eric Bana, Drew Barrymore, Robert Duvall…
On néglige définitivement trop le talent discret de ces cinéastes mineurs mais précieux, regroupés avec un peu de mépris dans la catégorie « artisans » des histoires du cinéma…
Strip Poker
On néglige définitivement trop le talent discret de ces cinéastes mineurs mais précieux, regroupés avec un peu de mépris dans la catégorie « artisans » des histoires du cinéma. Curtis Hanson est de ceux-là. Si son Lucky You n’est pas un chef d’œuvre, ce flux d’images silencieuses distille un charme délicat, voire irrésistible. Moi, ma mère et peut-être même Henri Seard savions déjà que l’auteur de LA Confidential et 8 Mile avait atteint, avec In Her Shoes, une confiance presque grisante en ses moyens cinématographiques. Lucky You constitue le prolongement parfait de cette évolution, assumant avec honnêteté et modestie une foi dans l’éphémère beauté des formes néoclassiques, leur capacité à incarner l’éclatante futilité d’une bulle de champagne. Dans cette histoire de jeu, d’amour et de filiation, la chair des images semble paradoxalement vouée à l’effacement et à l’émerveillement. La figuration parfaite du poker en somme, jeu à la fois tragique et excitant où chaque coup détruit l’autre, rend son existence caduque et suppose une renaissance perpétuelle du joueur. La subtile composition des plans, leur alternance rythmée, précise, constituent alors autant de traces d’un corps filmique qui se construit en même temps qu’il se délite. Le scénario déroule une écriture sobre et fine. Sans compter sur une distribution rare, presque parfaite, de premiers et de seconds rôles (mention spéciale à l’inestimable apparition de Robert Downey Jr.). Lucky You n’est effectivement pas un chef-d’œuvre. Mais pour avoir réussi à rejouer les plaisirs d’un cinéma old school (la comédie hollywoodienne des années 50), Curtis Hanson mérite notre respect. Et pour nous avoir sortis pendant un peu plus de deux heures de la dépression post-Sarkozy-Coupe-de-France, il aura même droit à beaucoup plus.
Romain Carlioz