On ne le dira jamais assez, l’art et la science sont des domaines où règne en maître la relativité. Mieux qu’une théorisation à la Einstein, Joachim Mogarra s’applique, « l’air de rien », au long de cent cinquante vignettes photographiques, à dégommer ces principes et leur faire manger les pissenlits par la racine…
On ne le dira jamais assez, l’art et la science sont des domaines où règne en maître la relativité. Mieux qu’une théorisation à la Einstein, Joachim Mogarra s’applique, « l’air de rien », au long de cent cinquante vignettes photographiques, à dégommer ces principes et leur faire manger les pissenlits par la racine.
Ceinturon et clope au bec, personnage taciturne les jours de vernissage, l’homme préfère les grands espaces à ceux des galeries. Il était une fois l’histoire d’une création.
Au cours d’un voyage au Maroc, Joachim Mogarra perd des pellicules photographiques. Plus tard, au détour d’une conversation, il remarque à propos d’un ananas : « Tiens on dirait un palmier ». C’est le déclic : pourquoi ne pas reconstituer le voyage avec des substituts, des objets du quotidien ? Ou comment une anecdote accouche du principe fondateur d’un artiste : les photographies de Mogarra sont des mises en scène miniatures, faites d’objets détournés de leur destin oublié, puis scénarisées par l’ajout de légendes, pour former ainsi des ensembles sériels proches du story-board et de la BD.
Formé aux beaux-arts de Montpellier, l’artiste a pourtant mieux retenu les leçons d’un Filliou autodidacte plutôt que l’académisme scolaire. Dans cette mouvance, Mogarra opte pour un sévère retour en enfance et la dérision totale face à la situation même de l’artiste, trop souvent théoricien, scientifique et… barbant. Jouer au lucky-luke raté, préférant le saloon aux duels sous le soleil, oui. Car qui est finalement mieux placé qu’un personnage de fiction pour piéger ce que l’on croit être la réalité (et ses vérités immuables) ? Mogarra opère donc par détournement, le plus spontané qui soit, pour marquer le potentiel fictionnel insoupçonné, mais présent, dans tout objet et tout individu. Sans jamais chercher à savoir qui de l’histoire ou du personnage a fait l’autre en premier. Il s’agit de déborder la réalité concrète pour entraîner les certitudes d’adultes dans d’autres dimensions. Et aussi — surtout — de démontrer que l’important dans l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.
Texte : Leslie Compan
Photo : Joachim Mogarra
L’art de la figue, jusqu’au 25/08 au FRAC (1 place Francis Chirat, 2e) et à la Galerie Territoires Partagés (20 rue Nau, 6e). A lire ou consulter : le livre d’exposition, dont le texte Le piège à réalité est signé Jean-Pierre Ostende.