La petite musique ne trottait plus dans notre tête. La Ligue des champions… Si la mythique intro de Van Halen reste notre indémodable hymne guerrier, le jingle de la Ligue est sa récompense. Qui aurait parié, il y a un mois, que l’OM finirait deuxième du championnat et perdrait la finale de la coupe de France aux tirs aux buts ?
Droit au but dans le mur
La petite musique ne trottait plus dans notre tête. La Ligue des champions… Si la mythique intro de Van Halen reste notre indémodable hymne guerrier, le jingle de la Ligue est sa récompense. Qui aurait parié, il y a un mois, que l’OM finirait deuxième du championnat et perdrait la finale de la coupe de France aux tirs aux buts ? « Moi », dira un pronostiqueur menteur et/ou heureux. On peut quand même tous se réjouir de cette petite flamme d’espoir qu’on avait crû soufflée après quinze jours de résultats déprimants.
Alors on se voit déjà en haut de l’affiche, en quart de finale retour contre Chelsea au Vélodrome, 0-0 à l’aller. Avec Didier Drogba et ses coups de rein pénétrants à la pointe de notre attaque, appuyé par les virevoltes ravageuses du « dératé » Franck Ribéry et les centres-missiles de l’impressionnant Taye Taiwo, l’OM mène 2-0 à la mi-temps. On s’emballe, on s’emballe, mais la redescente risque d’être difficile. Car le football pro, ce n’est plus le cœur qui parle, c’est le portefeuille qui se gave. Drogba ne quittera jamais Chelsea pour ses premières amours, Ribéry ne va pas jouer la coupe d’Europe sous le maillot bleu et blanc et les promesses de Taiwo seront tenues par un autre club au budget démesuré. Dans le football business, l’OM est une TPE, un très petit espoir. Vus de France, les footeux sont soit des couillons de la lune qui ne parlent ni anglais ni espagnol pour jouer dans des clubs qui les payent net d’impôts, soit des citoyens qui participent légitimement au bien-être du pays qui les a vu grandir. Car la concurrence déloyale que se livrent les Etats des clubs européens pour payer les meilleurs joueurs, c’est-à-dire les imposer le moins possible[1], est l’exemple de ce que l’Europe est et n’est pas. Affaires, marchandises, capitaux. Pas bénévolat, passion, talent.
L’Europe coupe le sport en deux. Entre sport individuel et sport co. Collectif et pas compagnie. Entre jogging présidentiel et match de quartier. Entre clubs démocratiques comme Barcelone, au sein duquel les abonnés élisent leur président, et clubs comme Manchester, dont le président est un financier qui ne connaît rien d’autre dans le football que les royalties sur les produits dérivés. Et qui sait combien l’échange d’actions est un jeu suffisamment dangereux pour retirer son club de la cotation. Car les cours de bourse des clubs estampillés « S.A. » ont chuté neuf fois sur dix sous leur prix d’introduction pour le malheur des actionnaires[2] Bien fait pour eux, marmonnerons-nous. Mais ces nouveaux capitalistes, ce sont les supporteurs. Ces prolos qui sacrifient une grande part de leur maigre budget à leur passion dévorante. Les gueux du stade. Pas les banquiers d’affaires, les mal nommés « investisseurs institutionnels », qui ne mettront pas un kopeck dans l’affaire. Trop risqué. Ils se contenteront des juteuses commissions sur l’organisation de l’entrée sur les marchés et sur les ordres d’achat de ces petits porteurs aux poches trouées. Ces petites gens qui ont perdu d’avance.
Michel Platini, le nouveau président de l’UEFA, a lancé un avertissement au monde des affaires dans une interview donnée à leur quotidien de référence, le Financial Times : « Le football n’est pas un produit. C’est une partie de notre vie. (…) S’ils disent que c’est un produit, c’est la fin de notre sport. (…) Il n’est pas possible de tuer la philosophie de 150 ans de football, une activité sociale, à cause d’un commissaire qui n’a jamais pratiqué le sport, à cause du simple droit voulant qu’un sportif est un travailleur comme les autres.[3] »
Le football est social, le Traité de Rome pas assez. Ils sont en concurrence. Et à ce jeu-là, le football n’est pas le plus fort.
Texte : Pascal Luongo
Illustration : Damien Boeuf
Notes
[1] Le taux moyen d’imposition sur le travail en Europe est de 36 %, au Royaume-Uni de 25 %, en Espagne de 29 %, et en France de 43 %. Source communiqué Eurostat 134/2005.
[2] Voir le dossier de touteleurope.fr consacré à l’Union européenne et le football et notamment l’interview d’un spécialiste du droit et de l’économie du sport sur http://www.touteleurope.fr/fr/actualite-europeenne/dossiers-dactualite/liste-des-dossiers/lunion-europeenne-et-le-football/interview-bolotny.html
[3] Pour lire l’interview en intégralité et en anglais dans le texte : http://www.ft.com/cms/s/ac3c4e0c-048a-11dc-80ed-000b5df10621.html. Sinon, lire le blog football sur le site du Monde : http://football.blog.lemonde.fr/.