Et toi, t'es sur qui ? – (France – 1h30) de Lola Doillon avec Lucie Desclozeaux, Christa Theret…
Lola Doillon, légataire de Jacques, s’attaque elle aussi, et logiquement, à l’adolescence. Un thème apparemment inusable pour cette famille de cinéastes. Si, au fond, la matière obsessionnelle reste la même…
Consommation et « sentiments »
Lola Doillon, légataire de Jacques, s’attaque elle aussi, et logiquement, à l’adolescence. Un thème apparemment inusable pour cette famille de cinéastes. Si, au fond, la matière obsessionnelle reste la même, comparer le Et toi, t’es sur qui ? de la fille avec Le Jeune Werther par exemple, ou encore La fille de 15 ans du père s’avère intéressant. La structure narrative, la manière de filmer, l’écriture des dialogues et l’emploi de comédiens non professionnels équivalent quasiment à une marque de fabrique. Lola imite donc le paternel à ce niveau-là. Mais nombre de différences apparaissent assez vite. Des différences dues à cette capacité qu’ont les Doillon à taper juste, à être très contemporains de leurs sujets. Ils captent l’air du temps, les errements et les questionnements de la jeunesse avec une rare sincérité et une rare authenticité. Jacques Doillon plongeait ses collégiens dans des problématiques d’ordre fondamentalement existentielles — la mort, l’amour, la vie. Lola D., elle, livre ses teenagers à ce réel superficiel qui constitue leur quotidien, à ce vide matériel qui les inonde. Ses ados n’ont rien à se dire, passent leur temps à se « prendre la tête » comme si c’était une obligation pour accéder à l’âge adulte… Le sexe, évidemment point central du film, est lui aussi montré tel un consommable. Cette jeunesse ne découvre pas la sexualité ou le corps de l’autre avec envie et désir, elle les consomme, froidement, de la même manière qu’elle achèterait un téléphone portable ou un soda. Sans concession, Lola Doillon brosse ici le portrait ravageur et lucide d’une génération qui ne génère plus grand-chose et qui, surtout, semble dénuée d’une forme de conscience concernant ce qu’autrefois on nommait l’humain.
Lionel Vicari