Le Festival International du Documentaire, rendez-vous incontournable du genre, continue sa parfaite maturation, et questionne durant cinq jours, aux quatre coins de la ville, nos liens parfois brouillés avec ce monde en mouvement…
Le Festival International du Documentaire, rendez-vous incontournable du genre, continue sa parfaite maturation, et questionne durant cinq jours, aux quatre coins de la ville, nos liens parfois brouillés avec ce monde en mouvement.
Notre festival phocéen phare entame une dix-huitième édition pleine de promesses qui interrogera, comme tous le veut la tradition, le documentaire dans ses fonctions les plus intrinsèques, et continuera, de la manière la plus vivante qui soit, à témoigner du réel, selon une expression chère à son délégué général et programmateur Jean-Pierre Rehm, éminence grise sisyphienne du FID qui, comme chaque année, porte son fardeau au sommet, pour recommencer la suivante. Nous permettant, par là même, la découverte d’œuvres exceptionnelles dont la plupart ne seront pas relayées par les mediums d’exploitation audiovisuelle classiques (télévision, salles, internet..). Avec, cette année, un choix de première importance : s’ouvrir à la fiction, mais pas n’importe comment — avec intelligence, choix et cohérence. On le sait, les frontières transgenres ont dans ce domaine été largement réinventées ces dernières années par des cinéastes soucieux de sonder un espace créatif à peine exploré. La démarche du festival est donc des plus pertinentes et ouvre un champ/hors-champ des possibles exceptionnel pour les éditions futures. Quel meilleur réalisateur que Pedro Costa, en invité d’honneur du FID 2007, pouvait ainsi illustrer les permanents transfuges que ce cinéaste libre se permet d’exploiter, d’un genre à l’autre ? L’artiste portugais n’a eu de cesse de construire une œuvre rigoureuse, à l’esthétique radicale, développant un langage cinématographique hors norme, où l’intérêt n’est pas de se demander si les images en mouvement, sous nos yeux, sont du documentaire ou de la fiction, mais de saisir (intellectuellement et émotionnellement) ce langage magnifique dans lequel évolue l’expression des corps. Pour l’évènement, le FID se montre largement à la hauteur en proposant une rétrospective complète de l’œuvre de Pedro Costa, véritable héritier d’un cinéma rare et exigeant, à l’instar du travail des Straub et Huillet. De la violence d’un Ossos à la plongée de La chambre de Vanda, jusqu’à l’inédit cannois En avant, jeunesse (vrai chef d’œuvre de la compétition officielle 2006), tous ses films se dérouleront là, sous nos yeux, pour notre plus grand bonheur, en sa présence — cerise sur le gâteau —, tant lors des projections que des tables rondes. Le Festival lui offre, à cette occasion, une carte blanche qui permettra de tisser les liens d’une matière cinématographique en résonance avec son propre travail, où l’on retrouvera les œuvres du grand Tourneur, aux compositions d’Andy Warhol, en passant par le rarissime Unknown Chaplin, colossal documentaire sur ledit cinéaste. Puis il y a la compétition officielle, un marathon de projections, une sélection de films internationaux qui nous conduira à ressentir la respiration du Monde. Jean-Pierre Rehm de souligner : « S’il fallait définir un fil conducteur dans les films reçus et sélectionnés, ce serait dans leurs rapports à l’Histoire, à cette façon d’interroger, aux quatre points de la Planète, le passé pour éclairer le présent, ou plutôt être au clair avec lui. C’est le cas du film de Raya Martin, Autohystoria, qui pose un pied dans la fiction, mais également l’autre dans le documentaire, et, jouant du temps, finit par interroger le passé historique de cette nation d’archipels. » Nous n’échapperons évidemment pas au principe de compétition, avec jurys et prix à la clé. Par bonheur, on retrouve parmi ceux et celles qui décerneront les fameuses récompenses de grands noms du cinéma — le thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, dont le sublime Syndromes and a century est encore en salles, et Patricio Guzman en tête. Une compétition internationale qui réunit donc une vingtaine de films, avec un regard acéré sur la production asiatique, où l’on retrouve une douzaine d’autres opus dans la compétition française. Avec la présence, cette année, de deux marseillais d’adoption, Gaëlle Vu et Gee Jung Jun, pour deux films marqués par un lien fort, eux aussi, avec l’Asie. Sur la production locale, Jean-Pierre Rehm d’ajouter clairement : « Avec les aides, entre autres, du Conseil Régional, et avec le soutien de structures très impliquées dans le financement, les films se font avec autant de talent, ici qu’ailleurs, je ne crois pas à une région sinistrée. » Les festivaliers auront par ailleurs le loisir d’enrichir leur bagage via les sélections parallèles, qui n’ont de parallèle que le nom, au vu de leur intérêt incontestable : Presto, d’une part, qui propose une sélection rare de films musicaux, s’échappant du traditionnel « revival » des rockeux mastodontes pour explorer la délicate approche de la musique filmée — de Rostropovitch aux Sex pistols — par des cinéastes intelligents, Kowalski, Weerasethakul, Sturges, Godard en tête. Et, d’autre part, l’écran Filmer, dit-elle, qui décline une très belle proposition de films de femmes, de Marguerite Duras à Chantal Akerman, d’Ursula Biemann à Tahani Rached. Au-delà, le cinéphile se verra proposer une multitude d’autres rencontres (Béla Tarr, Angela Shanelec…), d’autres écrans parallèles, des projections spéciales qui parachèvent le caractère exceptionnel de ce festival au cœur de la cité phocéenne. Il ne nous restera plus, une fois les projections passées, qu’à absorber ce patchwork fascinant d’images aux sons des incontournables Fred Berthet et Dj Deschamps, entre autres musiciens, sous un espace FMR réouvert pour notre plus grand bonheur. Et se sentir mieux encore exister sous les étoiles du port.
Sellan
Du 4 au 9/07, au TNM La Criée, aux Variétés, au CRDP et à l’Alcazar. Rens. 04 95 04 44 90 / www.fidmarseille.org