Caché derrière les apparences à la Galerie du 5e
De l’autre côté du miroir
En mélangeant subtilement œuvres de la collection du FRAC et résultats de différentes résidences au sein du CIRVA, l’exposition sise au cinquième étage des Galeries Lafayette fait fi de son environnement et invite le spectateur à une promenade au-delà des apparences…
Contrairement à ce que certains férus de psychanalyse pourraient croire, Caché derrière les apparence n’est pas une exposition explicitant les travaux d’Edward Bernays (le neveu de Sigmund Freud), qui visent à utiliser la psychologie et le subconscient pour manipuler l’opinion publique et nous amener à désirer fortement l’objet qu’on aura vu préalablement dans une publicité…
Invités par le réseau MarseilleExpos, les deux commissaires de l’exposition, Pascal Neveu (directeur du FRAC PACA) et Isabelle Reiher (directrice du CIRVA – Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques), ont préféré travailler autour de « l’idée de translation et de fluidité d’un état physique ou psychologique à un autre. »
Il en résulte une très subtile et délicate cohésion entre des œuvres qui ont toutes en commun la préservation d’une idée, d’une forme, d’un état, caché ou révélé. On entre dans l’exposition avec la vidéo de Fabien Giraud et Raphaël Siboni, The Spoiler, dans laquelle le public d’une pseudo conférence a déserté, laissant seuls les chaises et le bruit du vent amplifié par deux gros haut-parleurs. Que ce serait-il dit ? Le secret restera bien gardé, à l’instar de ceux confiés par ses amis à Pascal Martinez. Réalisée au CIRVA, son installation Hortus Conclusus présente un mur de verre renfermant des petits papiers pliés. Derrière le bureau, les objets et les étapes du protocole sont posés comme des vestiges de l’expérience : la machine à écrire, les formulaires que les gens ont remplis puis renvoyés à l’artiste, et qui contiennent toutes ces pensées inavouables à jamais préservées, comme fossilisées dans la matière. Plus loin, on découvre les empreintes oblongues d’Arnaud Vasseux, celles qu’a laissées le goudron sur une planche et celles que le verre des moules (eux aussi réalisés au CIRVA) a laissées sur le plâtre. L’artiste explore ici la rencontre de deux matériaux : l’un soumis à l’autre garde les stigmates de cette rencontre.
En face des sculptures d’Arnaud Vasseux, Lieven de Boeck et Marcel Broodthaers se font écho. Les œuvres se côtoient et s’accordent autour de la figure de l’aigle. Lieven De Boeck découpe les blasons, les armoiries et les autres figures où l’oiseau exalte la puissance et la gloire d’on ne sait quelle famille ou cercle d’individus. Le rapace découpé dans du papier d’écolier perd de son faste et se voit relégué au rang de motif. L’exercice auquel s’adonne Lieven de Boeck est une citation explicite à son aïeul artistique Marcel Broodthaers. En 1968, l’artiste belge ouvre chez lui un musée fictif, le « Musée d’Art Moderne section XIXe siècle – Département des Aigles », une satire du musée institutionnel, où l’on ne peut voir que les caisses sur lesquelles étaient inscrits les noms des artistes, dont les œuvres étaient supposément conservées dans les caisses. Marcel Broodthaers est présent dans l’exposition par le biais de son irrévérencieuse vidéo, Défense de fumer. Déjouant toutes les interdictions et les prémices de notre actuelle « société de contrôle », l’artiste crache la fumée de sa clope à la figure du spectateur.
Plus loin, l’œuvre de Laurent Montaron sème le trouble dans l’esprit du spectateur, médusé par le visage peint de Sainte Bernadette. L’image de la sainte est projetée en 16 mm, au ralenti, sur le mur. Le son du projecteur plonge le regardeur dans une contemplation presque métaphysique, tenté de croire à la légende qui raconte que le visage serait resté intact depuis sa mort en 1879.
L’exposition se termine sur la très belle et très poétique vidéo de Jaki Irvine. On pénètre dans un caisson plongé dans l’obscurité où est projeté Nightingale. Le temps s’arrête l’espace d’un instant au son du chant d’un rossignol. A chaque note de l’oiseau, l’image se dévoile de façon fragile et éphémère. On reste un moment pour en découvrir d’avantage, avant de comprendre que l’image ne se révélera jamais dans sa totalité. Finalement, on préfère ne pas en savoir plus tant l’association image/son nous comble…
Céline Ghisleri
Caché derrière les apparences : jusqu’au 14/12 à la Galerie du 5e (Galeries Lafayette, rue Saint-Ferréol, 1er).
Rens. www.marseilleexpos.com