L’homme qui valait trois milliards
Steve Austin, astronaute. Un homme tout juste vivant. Messieurs, nous pouvons le reconstruire et donner naissance au premier homme bionique. Il sera supérieur à ce qu’il était avant l’accident : le plus fort, le plus rapide, en un mot, le meilleur !…
« Steve Austin, astronaute. Un homme tout juste vivant. Messieurs, nous pouvons le reconstruire et donner naissance au premier homme bionique. Il sera supérieur à ce qu’il était avant l’accident : le plus fort, le plus rapide, en un mot, le meilleur ! » D’emblée, la voix off du générique, celle d’Oscar Goldman, plantait le décor après que l’expert en aéronautique l’avait pris en pleine poire. Un générique culte, spectaculaire et efficace, pour l’époque, qui nous rappelait, au-delà de l’improbabilité du show et de son Prométhée bionique, à la pertinence du Frankenstein de Mary Shelley ou à l’essai, De Superman au surhomme, d’Umberto Eco — même si en 1978, du haut de mes six ans, je prenais juste mon pied à regarder un gars qui ne tombait pas encore à pic mais se vautrait lamentablement sur le plancher des vaches avant de se faire retaper le caisson à grands coups d’organes bioniques ; quand je n’emmerdais pas mes sœurs, auprès desquelles je m’excuse aujourd’hui, en imitant toutes sortes d’éructations bioniques (sic)… Bref, alors doté de deux jambes et d’un bras artificiels qui lui procuraient une force surhumaine, ainsi que d’un œil tout neuf lui permettant de voir super loin, Steve Austin pouvait reprendre du service, retourner aux affaires, soit courir très vite mais au ralenti, faire des bonds prodigieux mais bruyants, apercevoir le cul de Robinson à l’horizon ou déraciner un arbre, une figue à l’œil, le bras attaché et des tongs aux pieds. Au final, le gars valait peut-être trois milliards, genre, mais il en branlait pas une ramée. Ce qui me déçoit beaucoup du haut de mes trente-cinq ans.
Henri Seard