La forêt de Mogari – (Japon – 1h37) de Naomi Kawase avec Shigeki Uda, Machiko Ono, Makiko Watanabe…
Mort et remords
Dans notre hiérarchie personnelle et hautement subjective, Naomi Kawase occupe une place à part. Cette cinéaste japonaise nous livre depuis une dizaine d’année certains films parmi les plus passionnants que peut nous offrir le cinéma asiatique. Les mauvais esprits diront que son œuvre tourne toujours autour de la même question — le deuil — et qu’elle n’avance qu’en se répétant. Si la mort est, certes, au centre de tous ses films, l’approche de chacun d’eux en diffère légèrement, subtilement, à la manière d’un musicien classique composant des variations autour d’un thème central. Avec son dernier long-métrage, caméra à l’épaule, elle nous embarque pour un voyage en pleine nature où les arbres, le ciel ou la pluie ont autant d’importance que les deux personnages principaux. Dans une maison de retraite en pleine campagne, une aide-soignante et un vieillard partagent, sans le savoir, la même douleur : la perte d’un être cher. Une sortie anodine se transforme en voyage initiatique, ils partiront ensemble dans la forêt pour à la fois s’y perdre et s’y retrouver. Cette excursion brouille nos repères : qui est le guide ? Qui soutient qui ? On est touché autant par la gravité du sujet que par la force brute du film, cette capacité si rare que possède la cinéaste à nous faire ressentir les éléments qu’elle filme : il nous semble par moments pouvoir sentir les plantes, toucher les arbres, ressentir l’humidité ambiante… Bref, La forêt de Mogari est un film qui fait autant appel à notre tête qu’à nos sens, et cet hommage lyrique à la nature qui nous entoure est une belle expérience de cinéma.
nas/im