Ce week-end, les artistes de Toc Toc frappent à la porte des Bancs Publics pour trois soirs d’expérimentation sonore, plastique et sensorielle… (lire la suite)
Ce week-end, les artistes de Toc Toc frappent à la porte des Bancs Publics pour trois soirs d’expérimentation sonore, plastique et sensorielle
Depuis le 19 février, les Bancs Publics sont hantés : les artistes de Toc Toc y préparent leurs prochaines performances. Mais Toc Toc, c’est quoi ? Dans la polysémie foisonnante de ce bruit familier, il faut écarter la référence à la folie ou aux Troubles Obsessionnels Compulsif (les fameux TOC). Toc Toc, c’est d’abord le son, celui de doigts qui frappent à la porte. Les trois artistes de Toc Toc, Natacha Musléra, Nicolas Gerber et Marie Passarelli, se définissent d’ailleurs comme les « représentants » des lieux qu’ils investissent, espaces et « antres » de toutes sortes et de toutes natures : forêts, toits, menuiseries, rues, galeries, ponts, halls, appartements, châteaux, cinémas, théâtres… L’essentiel étant que le lieu leur « parle ». Le lieu choisi peut alors être considéré comme une « matière première », à partir de laquelle Toc Toc élabore une fiction non narrative. Ecouter ce que dit le lieu nécessite certains états de concentration. Parmi eux, l’emploi du Glossaire de l’eau de là risible, détournement humoristique du titre d’un glossaire de méthodes de divination, tiré de Fantômes médiums et maisons hantées de René Masson. Le glossaire propose donc l’alevromancie, divination par la farine, ou bien encore la lithobolie, divination par le jet de cailloux, mais Toc adapte ses méthode de divination en fonction du lieu où il agit. Aux Bancs Publics, où une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) vient régulièrement vendre ses produits, une pomme de terre échappée d’un panier donna ainsi naissance à une méthode nouvelle, la patatomancie. Pour Toc Toc, ce qui advient dans le lieu fait écho, entre en résonance avec la subjectivité de chacun. Une attitude artistique que l’on pourrait rapprocher de certains écrits d’André Breton, qui voyait dans les menues découvertes dont la vie quotidienne abonde, « les solutions d’une difficulté où l’on est avec soi-même » (L’Amour fou). Difficulté avec soi-même ou avec le monde environnant, c’est aussi le mouvement Dada que Toc Toc évoque dans sa manière de réduire à néant le formatage et la pensée toute faite. Ainsi, ce sont des objets (plastiques, os, pierres, fer, papier, fils, matières organiques), collectés au long des chemins et des expériences précédentes, qui sondent la mémoire du lieu, interprètent sa vie du moment et tissent des liens entre les espaces. Intimement mêlés au son, ces objets construisent une poésie visuelle, sonore, et parfois odorante, qui forme le « canevas » initial de la performance improvisée chaque soir. C’est alors la capacité du lieu à recevoir et à intégrer des phénomènes sonores (vibrations, tensions, parasitages) qui va être éprouvée, ainsi que sa capacité à incorporer des objets, au sens littéral. Matières plastiques, organiques, objets choisis lors de la phase de préparation sont incrustés, cloués, agrafés dans les parois lors de la performance. L’espace laisse alors apparaître des « métamorphoses », qui se frictionnent, entrent en tensions, et provoquent l’excitation des sens. Quant au public, il est partie intégrante de la fiction. De par sa capacité à se faire « corps résonnant » ou « opaque », il en est même l’un de ses matériaux essentiels. A la fin de l’acte performé, l’espace transposé subsiste sous forme d’installation, où le public est invité à circuler, toucher, se rapprocher, s’éloigner, odorer, scruter, ouvrir, fermer, dissimuler, fouiller, enlever un objet… et repartir avec si l’envie lui en prend.
Texte : Mélanie Rémond
Photo : Patrick-Laffont
Du 2 au 4/03 à 19h30 aux Bancs Publics (10 rue Ricard, 3e). Rens. 04 91 64 60 00