Dans la vallée d’Elah – (USA – 2h) de Paul Haggis avec Tommy Lee Jones, Charlize Theron, Susan Sarandon…
Irakian psycho
Parmi toutes les certitudes embarrassantes qu’égrène avec morgue le dernier film de Paul Haggis, il en est une qui confirme ce que le critique dilettante mais pas dupe avait pu entrevoir dans le très surestimé Collision : le scénariste de Million Dollar Baby se prend extrêmement au sérieux. Conséquemment son cinéma est pompeux, empesé, voire carrément boursouflé. Mais le problème principal de Dans la Vallée d’Elah ne se situe pas là. Il y a chez Haggis quelque chose qui relève d’un néo-classicisme griffithien particulièrement gênant. Ici, la profondeur et l’ambiguïté sont bannies du territoire fictionnel. L’ambition d’Haggis est visiblement de circonscrire l’espace du champ, d’évacuer tourte forme d’incertitude afin d’enfermer la chair narrative dans un symbolisme poisseux, un trop plein de sens. Pas un plan qui ne soit enchâssé dans une structure qui le dépasse, pas un raccord qui ne soit asservi à la logique aveugle du montage. Là où il n’y a plus que le chaos (dans l’éparpillement des séquences de Collision, dans les actes absurdes des soldats de cette vallée d’Elah), il faut absolument réinjecter du sens, créer coûte que coûte une logique qui permettrait, en dernier lieu, de rationaliser ce qui n’est pas pensable. Qu’on ne s’y trompe pas, il n’y a pas l’ombre d’une réflexion politique là-dedans, rien de cinématographique non plus. Juste une vieille marotte idéologique, rabâchée de la première à la dernière image : l’Amérique est une mère aimante qui a égaré ses « boys ». Paul Haggis semble persuadé qu’elle finira par les retrouver. Après tout, l’espoir fait vivre.
Romain Carlioz