Mon meilleur ennemi – Documentaire (France – 1h30) de Kevin Mc Donald
Je te tiens, tu me tiens par la Barbi(e)chette
On ressort de cet excellent documentaire sobre et carré avec une indescriptible nausée. Mais ce malaise n’est pas uniquement le fruit des actes de barbarie dont a fait preuve Klaus Barbie dans les grandes heures du IIIe Reich. Ce trouble sourd provient de ce qui suivra la défaite allemande, à savoir le rôle joué par les démocraties victorieuses. Barbie, comme tant d’autres, a alimenté avec constance les services de renseignements de la Wehrmacht. Une fois la menace hitlérienne officiellement disparue, l’Europe et les USA ont tremblé face à une autre menace supposée pire que le nazisme : le communisme. Ils se sont donc unanimement empressés de récupérer un maximum d’officiers SS pour juguler le mal coco à la racine. C’est de cette façon que Barbie, aidé par le Vatican (fasciste), va atterrir comme beaucoup de ses confrères en Bolivie et servir d’espion à la CIA. Les mouvements révolutionnaires socialistes latinos capoteront tous et les dictatures militaires prendront le pouvoir les unes après les autres. Barbie, et certains de ses acolytes, parviendront même à mettre en place un IVe Reich — de courte durée — sans que personne ne bouge. La swastika, plus de trente ans après la chute de Berlin, aura donc de nouveau flotté. Là, on se dit que c’est le monde à l’envers, l’impunité absolue, l’injustice sans honte. L’être et surtout le néant… Puis arrive, pour d’obscures raisons, vers 1985, l’extradition de Barbie. L’imbuvable Maître Vergès prendra sa défense lors d’un procès ultra médiatisé. Faut-il juger quelqu’un de cette nature ? Oui, car, ironie du sort, nous sommes une « démocratie ». Mais fallait-il le juger seul ou fallait-il le juger avec ces « démocrates » qui se sont servis de lui ? Une fois de plus, Mon meilleur ennemi montre à quel point les valeurs avec lesquelles on nous bassine[1] sont flexibles pour ces politicards intègres qui nous gouvernent. Un jeu de rôle gerbant…
Lionel Vicari
Notes
[1] Il serait intéressant à ce propos de voir, depuis 1995 et le retour de la droite conservatrice au pouvoir, combien de fois les substantifs « République » et « Démocratie » ont été utilisés. Et quelles nouvelles teintes ils ont pris dans la bouche de ces défenseurs avoués…