Etoiles jaunes
_Par la Cie Théâtre Off
Etoiles jaunes retrace le parcours d’une jeune adolescente hongroise, Marika Janik, qui fuit Budapest avec ses parents au début des années quarante et met en perspective la déportation des quelques deux cents mille juifs de Budapest. Une lumière pâle, un bruit métallique de rails, des grincements aigus d’aiguillage, une fumée suffocante… Ou des trains en partance des quatre coins de l’Europe, direction Auschwitz-Birkenau. A travers des images évocatrices, stigmates de l’indicible horreur, la pièce prend aussi le parti de faire partager les impressions et les sensations de ce voyage sans retour, appelé la Shoah. Collant au plus près de l’Histoire, la pièce suit la chronologie de l’histoire de Budapest à Clichy, de la rafle du Vel’ d’Hiv’ aux camps d’extermination. Loin des clichés et d’un pathos excessif, le spectacle interroge notre devoir de mémoire : comment préserver cette mémoire d’Auschwitz, comment la rendre intouchable ? Une pièce exigeante et indispensable. Une pièce cinq étoiles.
_Jusqu’au 17 au Mini-Théâtre du Panier (Théâtre de Lenche)
Apaches !
_Par la Cie Le Souffle
Que reste-il de l’enfance ? Telle est, en substance, la question que pose Le Souffle dans cette création tendre et lumineuse. Ecrite à partir des souvenirs d’enfance des interprètes, Apaches ! évoque les enjeux de la vie d’adulte dans ses balbutiements, sans angélisme ni nostalgie : il s’agit au contraire de faire sentir comment chacun construit sa propre identité à partir de son histoire, et comment les enfances se répondent entre elles, éclairant les personnalités et les choix de vie. Lorsque le spectacle commence, il n’y a sur scène que des accessoires — les six comédiens, installés au milieu des spectateurs, confient à voix basse des bribes de leurs souvenirs. La comédie humaine se met alors en marche, avec ses jeux de pouvoir, de séduction, sa tendresse et sa brutalité — le tout vu à travers le prisme de l’enfance, innocente et libre. Dans une scénographie dépouillée, seulement ponctuée de guitare électrique (jouée en direct), le Souffle livre un spectacle à la fois drôle et émouvant. En un mot : vivant.
_Du 15 au 18 au Théâtre Marie-Jeanne
Huit minutes de pose II
_Par le collectif K.O.com
Le sous-titre est évocateur : On ne te dirait pas… Expression typique du Midi quand on regarde une photographie d’une personne proche et qu’on ne la reconnaît pas. Parti de simples portraits photographiques et vivants, le collectif cherche à questionner l’intime au creux de la représentation. Il y a d’abord ces fameuses huit minutes de pose, où l’immobilité silencieuse d’une personne face à l’objectif (et à soi-même) révèle un moi singulier. Puis vient un temps de parole, de huit minutes encore, où chaque personne photographiée exprime son ressenti. A partir de cet éventail de portraits, Manon Avram a imaginé une chorégraphie où le corps se déplace au gré des images projetées sur trois écrans mobiles. Par des mouvements très écrits, les trois comédiens-danseurs cherchent à montrer la difficulté de saisir notre intimité sur une scène, lieu peu propice à l’abandon de soi et au « lâcher prise ». Un spectacle graphique et poétique qui pose des questions philosophiques simples mais essentielles sur nos vies si pressées…
_Du 15 au 18 au Daki Ling
Amer Eldorado
_Par la Cie des Lumas d’après Raymond Federman
« Je suis un survivant. J’aurais dû être réduit en savonnette, il se trouve que je ne le suis pas. Le seul moyen que j’ai eu pour vivre avec cette énorme absence, ce trou béant en moi, c’est de rire… Je suis joyeux. » Raymond Federman est né en 1928 à Paris. En 1942, sa mère a juste le temps de le cacher dans un placard avant d’être déportée avec le reste de la famille vers les camps de la mort. Après la guerre, Federman débarque en Amérique. Amer Eldorado est le récit dense et délirant du road-movie qu’il va y effectuer à bord de sa vieille Buick, découvrant les usines de Détroit et le jazz, l’armée et la littérature à l’université. Pour cette nouvelle incursion dans l’univers de l’écrivain, la jeune compagnie des Lumas — qui défend une vision politique du théâtre, en prise directe avec le public — s’inspire de sa structure narrative éclatée, s’éloignant des mises en scène classiques pour proposer un spectacle hors des sentiers battus, où le plateau transcende la parole intime en la rendant publique.
_Le 20 au Théâtre Antoine Vitez (Aix-en-Pce)
CC/Eva D/HS