Face à face. La contestation face au pouvoir. La multitude des attentes sociales adressées à un seul, droit dans ses bottines à talons compensés. Ils représentent le mal être des citoyens, il est en représentation. Et tous veulent en découdre. De chaque côté, on a annoncé la couleur : on ne lâche rien. On compte sur la reddition du bord opposé. Car l’enjeu est énorme pour celui qui reste debout. La défaite du Président lui fait craindre un quinquennat difficilement renouvelable pour cause de pays mobilisé contre ses tentatives avortées. Celle des grévistes leur annonce une longue liste de renoncements sociaux et autres couleuvres patronales à avaler. Flexisécurité ou « contrat à rupture indéterminée », augmentation du temps de travail et des cadences, salaires toujours plus ponctionnés par la cotisation aux actionnaires sur la fiche de paie, voire lecture obligatoire de la lettre de Laurence Parisot à tous les petits ouvriers de France…
Notre cher dirigeant entend donc pourrir la perception des Français de la semaine sociale à venir. Et pense que les sondages pèseront d’un grand poids dans la balance de l’empathie. Il ne lésine donc pas sur les moyens. Tous les relais de la bonne parole sont mobilisés. Les JT du soir ne laissent parler que les étudiants casseurs de grève et les usagers des transports publics qui pestent déjà contre le réveil qui va sonner plus tôt et la journée de travail qui va finir plus tard. La voix des média nous serine avec l’odieuse expression de la « prise en otages de ceux qui veulent bosser. » La base de la tentative de dispersion reposant sur un poncif : la France, ce pays de la grève. Mais si les Français ont marqué les esprits avec les mobilisations sociales de 68, contre la casse de la Sécu en 95 ou contre le contrat première embauche en 2006, tout au long du XXe siècle, notre pays est resté dans la moyenne basse des pays industrialisés pour les conflits collectifs. L’Italie et l’Espagne tenant aujourd’hui le haut du pavé.
Et si la tendance française reste à la confrontation quand la négociation consiste à choisir entre la peste et le choléra, pourquoi pas ? Dans l’une comme dans l’autre, il y a rapport de forces, et le plus fort emporte raison. Avec relativement peu de membres, les syndicats assis à la table des négociations ne représentent pas entièrement la population qui travaille et qui revendique. Et c’est parfois seulement dans la rue que celle-ci se mobilise et s’exprime contre une mesure antisociale. Si l’argument que tous les travailleurs des secteurs public et privé doivent cotiser pendant la même durée pour leur retraite est brandi au nom de l’égalité, il faut pousser cette exigence plus loin. Les hommes et femmes sont-ils traités de la même façon à leur travail ? Illégalement, non. Le salaire d’un grand patron peut-il être 600 fois plus important que celui d’un de ses employés ? Abusivement, non. Un ouvrier meurt en moyenne sept ans avant un cadre. Doit-il bosser aussi longtemps que le « bureautier » pour toucher sa retraite ? Effectivement, non.
Dans la confrontation, les Japonais ont leur méthode : bosser en portant un brassard noir. De mauvais goût, assurément. Les Américains en ont une autre : priver les ménagères de moins de cinquante ans de leurs héros favoris. De bonne guerre, évidemment. Les Français ont la leur : battre le pavé sans le lancer à tous les coups.
LP