Visages, Picasso, Magritte, Warhol… au centre de la Vieille Charité
Figures libres
A la Vieille Charité, l’exposition Visages. Picasso, Magritte, Warhol… offerte par le centre de la Vieille Charité fait preuve d’une belle exigence, tant dans son intitulé prestigieux que par son ampleur : 97 artistes, 150 œuvres accrochées. Une visite s’imposait.
Visages n’est pas une simple rétrospective du portrait, mais bien une plongée dans l’univers de la figuration. Quelle meilleure entrée en matière que de replacer cette forme artistique après la Seconde Guerre mondiale ? Comment représenter l’homme, instigateur d’une telle horreur ? Face à la froideur de Paris la nuit de Richard Gessner, l’homme est comme perdu dans son espace, seul, fragile à l’image de la Femme de Venise III de Giacometti. Après cette plongée dans la noirceur, Self Portrait of You + Me de Douglas Gordon nous met face à ce désir irraisonné de « ressembler à », en oubliant le « moi ». L’exposition atteint son premier sommet quand on quitte la pièce en faisant face au King of the Zulus de Basquiat.
La deuxième thématique s’avère plus mystérieuse : une entrée dans le journal intime du peintre. Désappointé par l’Autoportrait d’Anton Raderscheidt, troublé par Regard dans le miroir de Raoul Hausmann, enivré par le portrait de Kiki réalisé par Man Ray, on ressent toute la puissance de cette seconde salle, et la Femme au Miroir de Picasso n’y est pas étrangère.
Une pause est nécessaire à cet instant avant d’appréhender les visages de l’esprit, dernière et non moins intense partie, véritable radioscopie mentale. Une pause offerte par le Musée d’Archéologie méditerranéenne, qui nous propose la découverte de Visages, au commencement, histoire de l’art du « canon » (la règle, en grec). Touchant la perfection ou s’approchant du réel, une véritable histoire de l’apprentissage des proportions se déploie ici, des idoles à yeux aux Vénus, de l’idole cycladique au Doryphore de Polyclète. Si l’on est quelque peu frustré par le nombre réduit d’œuvres présentées, ce sentiment s’apaise par le caractère exceptionnel de certaines pièces comme la tête janiforme retrouvée sur le site archéologique de Roque-Pertuis ou encore le Diadumène de Polyclète.
La dernière partie de l’exposition s’avère plus incisive, ouvrant sur les méandres de la pensée des artistes.
L’étrange ressemblance entre les figures difformes de Bacon et les sculptures d’acteurs vues précédemment au MAM se révèle troublante… Le Visage du génie de Magritte laisse planer le spectateur avant qu’il ne soit choqué par Poursuite 77 de Vladimir Velickovic, triptyque montrant un coureur attaqué par des rats… La visite se termine par le curieux et provocant Spaghetti Man de McCarthy, mis en relation avec les figurines égyptiennes de la fertilité : une étrange rencontre qui a du sens. Une apothéose de sculptures dans la dernière salle souligne une critique plutôt humoristique de l’espèce humaine, les sculptures de Gilles Barbier en imposent, à commencer par son Emmental Head qui dénonce la mollesse de l’esprit humain.
Le spectateur, lui, ne ressortira pas ramolli de cette expérience, bien au contraire. Si la scénographie s’avère parfois bancale, l’exposition, grandiose, offre des pièces exceptionnelles pour une somme modique.
Elise Lavigne
Visages, Picasso, Magritte, Warhol… : jusqu’au 22/06 au centre de la Vieille Charité (2 rue de la Charité, 2e).
Rens. 04 91 14 58 80 / http://musees.marseille.fr/
Visages, au commencement : jusqu’au 26/06 au Musée d’Archéologie méditerranéenne (2 rue de la Charité, 2e).
Rens. 04 91 14 58 59 / http://musees.marseille.fr/
Rens. 04 91 14 58 59 / http://musees.marseille.fr/