Temps fort nouvelle scène contemporaine au Pavillon Noir
Haut les corps !
Qui n’a jamais proposé à un ami de l’accompagner voir de la danse contemporaine et s’est entendu dire « trop intello pour moi » ? Alors que la nature se réveille — et nos corps avec —, le Temps fort Nouvelle scène de la danse contemporaine du Pavillon Noir propose un petit panorama des préoccupations des artistes chorégraphes.
« La danse, c’est beau à voir ». Oui, c’est beau, et c’est pictural. La Belle Indifférence de Gaëlle Bourges expose trois corps de femmes et réinvestit la mise en scène des nus de la peinture classique jusqu’à épuiser leur sérialité. On les admire, on les fantasme. Jusqu’à ce que la mise en mouvement de ces images bel(les) et bien vivantes nous emmène sur le terrain du strip-tease, dans une forme plus contemporaine de la sensualité. Réceptacles a priori passifs de nos regards, les danseuses deviennent alors des machines de séduction infernales. L’optique de travail du chorégraphe japonais Hiroaki Umeda place quant à elle sa recherche esthétique dans un univers plus abstrait, utilisant la perte de repères pour développer la poétisation des sensations.
« La danse est virtuose ». Avec un focus sur la danse israélienne, et ici sur Roy Assaf, le Pavillon Noir présente l’excellence de ces chorégraphes mâles, dont la virilité se loge, comme souvent en danse, dans une sublimation de la violence. Une autre façon de penser le conflit, et de faire de la lutte des corps un jeu presque amoureux, en tout cas sensuel.
« La danse en quête de soi ». Le chorégraphe nigérian Qudus Onikeku, compulse les danses — danse traditionnelle nigériane, capoeira, technique circassienne, hip-hop — comme autant d’empreintes qui guident sa recherche, celle du père disparu. Jérôme Brabant revisite pour sa part les codes du folklore réunionnais et des revues nègres, plaçant sa quête d’identité dans un double mouvement, qui oscille entre l’exposition forcée de l’indigène et la pudeur inhérente à sa recherche personnelle. Le Tunisien Radhouane El Meddeb nous offre un de ces doux solos dont il a le secret. Hypnotique et langoureux, le duo qu’il forme avec Thomas Lebrun s’appuie sur la voix de l’égérie Oum Kalthoum pour célébrer l’héroïsme quotidien des femmes. Quant à Christian Rizzo, il présente un solo créé pour un interprète turc qui nous parle de l’exil et place la fragilité de l’être comme moteur des plus belles énergies qui régissent le monde.
« La danse contemporaine, un art de la performance ». Descendants de la Judson Church des années soixante ou du Bauhaus des années trente, les artistes de danse contemporaine se vautrent avec joie dans la mixité des techniques. D’où la présence foutraque des gais lurons belges Halory Goerger et Antoine Defoort, qu’on ne présente plus, dans ce festival décidément bien éclectique.
Joanna Selvidès
Temps fort nouvelle scène contemporaine : jusqu’au 28 mars au Pavillon Noir (530 avenue Mozart, Aix-en-Provence).
Rens. 04 42 93 48 00 / www.preljocaj.org
Le programme jour par jour de Temps Fort Nouvelle Scène Contemporaine ici