Identité Rermarquable : Alt Attitude
Altitude, le dernier livre d’Alfons Alt, rassemble portraits de famille, animaux et bâtiments photographiés à travers le monde. Un opus « métabiographique » où les textes d’Emmanuel Loi sont couplés aux images.
« Attention, ici c’est un endroit sale », prévient-il en secouant à grands gestes un pinceau plein de colle. Nous sommes dans l’atelier d’Alfons Alt, à la Friche, où il officie depuis 1996. « Le lieu de tous les crimes », précise t-il dans un rire. Un antre qui tient du laboratoire de Frankenstein. Partout, des toiles qui sèchent, des pinceaux, des étagères surchargées de livres, de papiers, de bouteilles ou de pots mystérieux. Il faut enjamber, contourner, faire attention où l’on s’assied. Punaisées sur une porte de placard, des photos de pêcheurs de Karachi et de soldats afghans accroupis voisinent avec une photo de groupe, « un portrait de la famille de mon restaurateur ». Un corbeau empaillé grimace au-dessus de l’établi où il maroufle une œuvre. Allemand descendant d’une famille d’ébénistes, Alfons Alt, installé dans le Sud de la France depuis plus de vingt ans, a beaucoup voyagé. Il photographie en explorant des thèmes qui ramènent inexorablement à faire des allers et retours dans toute l’histoire de l’art. Selon un procédé hérité des débuts de la photographie, il retravaille sur ses clichés à l’aide de pigments enduits de gélatine et de résine. Une méthode élaborée en 1859, le « résinopigmentype » qu’il a simplifiée. La matière et la chair sont évoquées dans leur crudité, au travers de rouges, de bleus, de noirs. Des nébuleuses, des moutonnements apparaissent dans des images jamais nettes : portraits de famille, tauromachie, jungle urbaine ou forêts. Fasciné par les animaux, Alt produit des bestiaires qui le font connaître. Des taureaux, les chevaux de Zingaro sur qui il a fait plusieurs livres, mais aussi léopards, lapins ou animaux marins. « Je ne peux pas m’extraire de cette attraction qu’exercent les animaux sur moi. » Alt emprunte à la mythologie nord-américaine, amérindienne ou celtique, « dont je suis issu. Je suis allemand, mais je revendique un héritage celte. En Bavière d’où je viens, 500 ans avant Jésus-Christ, c’est la grande époque celte. On ne peut pas s’extraire de toute cette culture. Nous sommes des acteurs venus de nos pères. Altitude comme Alt, oui, ce nom me vient de mes pères », martèle t-il. La transmission est une idée récurrente chez Alt. Transmission venue de l’intégration dans une lignée en y inscrivant sa propre histoire, mais aussi de la force issue de la rencontre avec le sujet. « J’utilise des pigments venant du monde entier. Là où j’ai vécu pendant dix ans, dans le Roussillon, il y a beaucoup d’ocre. Je le mélange avec cette résine », dit-il en secouant une petite bouteille, un regard en coin. Méfiance. Il y a de l’alchimiste et du chaman chez cet homme-là.
Texte : Bénédicte Jouve
Photo : Mir Grabe
Exposition-performance le15 à la Poissonnerie. Rens. 04 91 52 96 07
Exposition Gravures du 18/12 au 12/12 à la Galerie Mourlot. Rens. 04 91 90 68 90
Dans les bons bacs : Altitude (Images En Manœuvres Editions)
www.alfons-alt.com