Chi va piano, va solo
Peachy Has Gone South est le mystérieux titre du premier album solo de Cyril Benhamou. Seul face à son piano, seul face à lui-même, il s’y livre en toute simplicité. Portrait d’un artiste incontournable.
Vous l’avez forcément déjà vu sur scène. Reconnaissable entre tous, avec sa tignasse brune et l’air faussement détaché de son clavier, Cyril Benhamou multiplie depuis une bonne dizaine d’années les aventures musicales. Associé à de nombreux projets parmi les plus intéressants de la scène locale, du jazz au hip-hop en passant par le funk, l’afrobeat et l’électro, son empreinte est partout. Toujours partant et doté d’un indéniable talent, l’esthète ne se refuse rien : « C’est vrai, j’adore le live, jouer avec des musiciens de tous horizons… à Marseille, la scène est foisonnante et j’ai eu la chance d’évoluer au sein d’une génération particulièrement créative. On me propose tant de projets excellents qu’il ne me vient même pas à l’idée d’en refuser. »
Mais où certains n’y voient qu’enthousiasme et polyvalence, d’autres pensent dispersion et quête d’identité. Comme pour chasser les mauvais esprits, le joyeux drille s’est volatilisé quelques temps pour réapparaître avec Peachy Has Gone South. « J’ai trente-huit ans et je n’avais jamais éprouvé le besoin de faire un disque… Je crois que je n’ai jamais eu le temps d’y penser, ni la nécessité. Je n’en ai toujours pas la nécessité, par contre, le moment de faire un bilan avec moi-même était sans doute venu. » Un album solo, à l’ombre du studio d’enregistrement, à l’écart de la scène, des potes et du public… Un exercice quasiment contre-nature pour ce personnage.
Loin d’être une démonstration purement technique, ce premier album solo, très personnel, privilégie la force mélodique : « J’ai pris beaucoup de temps pour épurer mes morceaux et laisser place aux mélodies. Cet album raconte une histoire ; il est rêverie, mélancolie, évasion… »
« Mais alors… Peachy, c’est toi ? » A cette question, Cyril laisse planer le doute. Le sait-t-il lui-même ? La photo du sol désert de Mars sur la pochette du disque peut laisser penser qu’il n’existe pas. Ou qu’il est le frère martien du pianiste lunaire. Seule certitude : il se dirige vers le Sud ! Les titres des morceaux évoquent les voyages, la liberté de mouvement, la fuite ou le dilemme. Ils dénotent un goût sincère pour la dispersion, pour l’échange, pour l’autre. Paradoxalement, ce repli sur soi a abouti par l’affirmation assumée de tout cela. Un véritable éloge à la schizophrénie.
Enfin de retour sur scène à la rentrée, notamment à la Mesón, il disposait son piano de sorte d’être entouré du public, au plus proche des gens, se levant et discutant avec eux entre les morceaux. Seul pour défendre Peachy, son visage s’illumine lorsque Rabbi Darkside et IIISpookin, deux MC new-yorkais rencontrés il y a trois ans lors d’une soirée Borderline, débarquent en catimini dans la salle. Il les invite aussitôt à griller le toast pour un jam délirant, qui vient illustrer à point nommé la philosophie d’un musicien généreux par-dessus tout.
Laurent Jaïs
Dans les bacs : Peachy Has Gone South
Pour en savoir plus : cyrilb.fr