Le Ballet national de Marseille tente l’expérience de laisser ses interprètes s’exprimer librement par le jeu de la création et de l’association. En passant par là… est un montage expérimental entre Marion Cavaillé (soliste au BNM) et Emmanuel Germond (plasticien et pigiste à Ventilo)… (lire la suite)
Le Ballet national de Marseille tente l’expérience de laisser ses interprètes s’exprimer librement par le jeu de la création et de l’association. En passant par là… est un montage expérimental entre Marion Cavaillé (soliste au BNM) et Emmanuel Germond (plasticien et pigiste à Ventilo)
Comment se fabrique la danse ? Comment fonctionnent l’accord et le désaccord dans un travail à deux ? La création d’une première pièce est une vie en soi. On se cherche, on se parle, on prend sa place dans des jeux d’ego, d’envies et de possibilités. Marion Cavaillé emmène la danse du côté de celle qu’il l’a formée (Marie-Claude Pietragalla), une danse impulsive où certaines douleurs refont surface : l’isolement, la question de l’identité, le rôle qu’il faut jouer. Comment envisager le groupe ? Comment s’y mêler ? La vie dans un corps de ballet est une chose complexe, entre l’envie d’aimer et le besoin de se protéger sur la durée, entre l’envie de dire « je » et les contingences de l’institution. L’Histoire, le répertoire, le devoir de mémoire dans l’exigence du placement du corps et de l’interprétation. La danse classique est une marque sur le corps, un univers qui nous habite jusqu’au bout de la nuit. En passant par là… est un prolongement de ce qui nous tient et qu’on ne peut pas lâcher. Le corps danse, le corps travaille, le corps s’associe, puis lentement, il s’isole et plonge dans le mutisme. Alors, il faut rebondir et se retrouver, repartir vers l’autre dans un jeu d’enveloppé-déroulé. Voilà le groupe au diapason, sissone, tours attitude, déboulé-jeté… la danse retrouve ses habitudes. En passant par là… est la manifestation d’une enveloppe que l’on déchire ; un périmètre où l’on exprime son chez soi avec d’autres priorités ; une écriture dans l’isolement qui, par le jeu du corps, avance sous la lumière. La musique fait sa vie dans des jeux de sifflements, de percussions, de samples, touchant plusieurs continents et amenant la danse vers une rencontre du troisième type. On se laisse transporter, on se sent délaissé. La proposition sonore d’Emmanuel Germond est un travail frontal, un objet en soi qui élève la danse puis la devance. Cet écart des propositions et ce jeu de la dissonance posent la question de l’espace qui prend forme à notre insu. Ce qu’on ne pourra jamais vraiment contrôler et sur lequel on doit lâcher prise, à la manière d’un constat.
Texte et photo : Karim Grandi-Baupain
En passant par là… dans le cadre d’Ouverture # 3. Les 24, 25 & 31/03 et le 1er/04 au Ballet National de Marseille. Rens. 04 91 32 73 27