El Cantor (France – 1h30) de Joseph Morder avec Lou Castel, Françoise Michaud, Luis Rego…
El Cantor est le premier long-métrage de Joseph Morder. Ce cinéaste a réalisé de nombreux court-métrages, documentaires et films expérimentaux, très souvent autobiographiques, abordant les thèmes de la mémoire, de l’enfance ou de la judéité, dont le plus célèbre reste Mémoires d’un juif tropical. La longueur des films change, mais les obsessions demeurent… (lire la suite)
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El Cantor est le premier long-métrage de Joseph Morder. Ce cinéaste a réalisé de nombreux court-métrages, documentaires et films expérimentaux, très souvent autobiographiques, abordant les thèmes de la mémoire, de l’enfance ou de la judéité, dont le plus célèbre reste Mémoires d’un juif tropical. La longueur des films change, mais les obsessions demeurent. Clovis Fishermann (Lou Castel, acteur de la nouvelle vague vu chez Bellocchio, Garrel, Ruiz, Fassbinder…), fils et petit-fils de célèbres cantors (chanteurs officiant pendant la liturgie à la synagogue), qui n’a pas donné de nouvelles depuis plus de trente ans, annonce son arrivée de New York à son cousin William Stren et son épouse (Louis Rego et Françoise Michaud), installés en Normandie. Au-delà de la nostalgie provoquée, les retrouvailles confrontent chaque personnage à son histoire propre (l’héritage culturel, le deuil) et aussi à l’histoire partagée d’une communauté dispersée et déboussolée. Le film se perd parfois lors de scènes de groupe (le mariage, le cabaret…), mais gagne en intensité lorsque le cadre se resserre (la famille) pour atteindre une sorte de beauté brute quand sont filmés ces visages en gros plan, qui nous dévoilent, avec ou sans paroles, une certaine vérité. La tension et l’émotion tiennent ici à la proximité entre la caméra et le sujet. Malgré un Louis Rego sous-utilisé, l’action se développe et le film est porté par les hésitations de Lou Castel et la présence charnelle de Françoise Michaud dont la voix rauque, comme celle de Fanny Ardant, porte en elle toutes les promesses. L’intérêt du film réside aussi dans le fait que la vérité passe par les images, imaginaires (les rêves racontés lors des séances de psychanalyse) ou réelles lorsqu’on découvre les films super-8 de Clovis enfant qui finissent sur des plans fixes d’une ville détruite, d’une grande intensité. L’idée qui sous-tend la réconciliation semble être le partage de la même douleur. Peut-on aimer sans souffrir ensemble ? Film inégal, mais touchant, El Cantor perpétue le travail de mémoire d’une communauté trop longtemps soudée par la seule souffrance.
nas/im