Marseille sous les bombes
Exposition itinérante emblématique de l’histoire du street art depuis son lancement à la Maison des Métallos en 2008, 400 ml, présentée aujourd’hui dans le cadre du festival Marseille retrouve le Nord, se met désormais en lien avec le projet de la L2, rocade qui relira les Arnavaux à Saint-Loup. Un projet qui souhaite construire un réel dialogue entre habitants, art et territoire… en espérant qu’il ne s’agisse pas seulement d’une pilule marketing.
L’exposition mythique aux 400 bombes a été pensée par Jean Faucheur (1) et le collectionneur Gautier Jourdain après que le premier a offert au second une bombe aérosol customisée. Mettant en lumière ce que fut le street art à un instant T et volontairement non exhaustive, elle voyage depuis six ans dans toute la France, offrant un titre muséal au mouvement d’art urbain, encore trop souvent écarté de ce type d’institution, du moins en France. L’outil emblématique du graffeur se fait le support idéal de la narration d’un moment d’histoire, offrant, grâce à la participation de plus de quatre cents artistes du monde entier, une multiplicité de visions et de détournements en tout genre.
Difficile d’aborder de manière pertinente l’exposition sans tomber dans des écueils descriptifs. Si certains artistes n’y ont vu qu’un support original en y posant simplement leur blaze, d’autres ont poussé le détournement beaucoup plus loin.
Bettie Nin en fait ainsi un objet archéologique, écrasé, incrusté dans la pierre, étiqueté tel un objet historique dont la définition serait « outil de mise en beauté pariétal ». L’Atlas évoque quant à lui l’addiction relative au milieu du graffiti en l’habillant d’une étiquette de 8.6. Fidèle à sa critique de la publicité, Zevs, se sert non pas d’une bombe aérosol typique mais d’une bombe de Décap’Four où il appose sa marque, créant un paradoxe entre le médium de création et l’outil de nettoyage corrosif.
L’exposition 400 ml et le container peint par Jean Faucheur, Acet et les jeunes du quartier du Merlan ne sont que les premières pierres d’un projet de grande ampleur, réunissant la Société de la Rocade L2 et l’association Planète Emergence. Avec la manifestation Marseille retrouve le Nord, il s’agit de créer un pont entre art et territoire afin d’engager un dialogue entre les populations. Par exemple, la L2 passera par un terrain vague, lieu mythique du quartier où de nombreux taggueurs sont venus peindre. Jean Faucheur, directeur artistique du projet Les Murs de la L2 désire travailler en amont sur ce terrain vague, retrouver les personnes qui ont fait l’histoire de ce lieu, l’aborder dans une sorte « d’archéologie urbaine » : « Je veux exploiter les changements à partir de ce qu’il se passe au sein des quartiers du Merlan. Un tel chantier, c’est par exemple l’arrivée de cailloux, j’aimerais donc faire venir un artiste comme Mego afin de travailler sur cette perception. Nous allons travailler sur l’histoire des lieux, la manière dont il vont être transformés et la perception qu’en a le public. »
Planète Emergence souhaite amener les Marseillais à se questionner sur l’abandon de certains quartiers, offrant un point de dialogue entre société de travaux publics et habitants à travers le regard d’un grand monsieur du street art qui saura faire de la route une œuvre d’art.
Elise Lavigne
400 ml : jusqu’au 20/12 au Centre Commercial du Merlan (Avenue Prosper Mérimée, 14e).
Rens. : www.planetemergences.org
Toute la programmation de la manifestation Marseille retrouve le Nord ici
Notes
- Artiste pionner du mouvement street art parisien, fondateur de l’association le M.U.R, créatrice du premier mur de programmation artistique à Oberkampf.[↩]