Juno – (USA – 1h31) de Jason Reitman avec Ellen Page, Jennifer Garner…
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Disons-le franchement avant d’utiliser des mots de plus de quatre syllabes : Juno est à l’image de son héroïne, un film charmant. Jason Reitman — fils d’Ivan Gosthbusters Reitman et déjà auteur de l’honorable Thank you for smoking — dispose à l’évidence d’un vrai savoir-faire dans l’élaboration de personnages décalés, gouailleurs et immédiatement attachants. En découle un récit lo-fi délicatement organisé en mélodie saisonnière, opérant avec une certaine habileté un glissement progressif des codes du teen movie. La (belle) idée de départ de Juno est d’ailleurs de s’orner des contours de la fiction adolescente pour mieux en décliner les enjeux au féminin. Au corps qui s’éparpille et se déverse dans le champ (chez Apatow par exemple), le cinéaste substitue la carcasse engrossée de la jeune Juno, enveloppe trop grande pour elle qui la sépare du reste du plan. Le film de Reitman vient en quelque sorte après l’éjaculation burlesque, en observe les ultimes remous et c’est finalement ce qui le rend anecdotique. Car, à force d’accumuler les gimmicks pop (collage de durée, affèterie de montage, etc.) et de mettre en scène avec ostentation son positionnement « indé », le film perd de sa fraîcheur initiale. On pense beaucoup au cinéma de Wes Anderson et au magnifique Ghost World de Terry Zwigoff sans qu’à aucun moment Juno n’arrive à se hisser au niveau de ses références. Dans la vie comme au cinéma, il y a les filles sexy qui séduisent vite mais vieillissent mal, les beautés magnétiques dont le regard vous impressionne à vie et les gamines charmantes qu’on voit et qu’on oublie aussi sec. Juno est de celles-là : pas assez modeste pour séduire et trop petite pour exister vraiment.
Romain Carlioz