Entretien avec une oeuvre d’art de Jerome Cavaliere

Collection type à la GAD

Toute une histoire (de l’art)

 

Bientôt cinq ans que la GAD – Galerie Arnaud Deschin a entr’ouvert ses portes, se positionnant comme un espace de vente de travaux prometteurs de jeunes artistes, souvent marseillais. Imbriquée dans un appartement, la galerie est atypique dans son fonctionnement : les horaires d’ouvertures sont soumises aux mouvements de vie du galeriste et l’on vient y visiter les expositions comme s’il l’on rendait visite à un ami. Malgré ses dimensions modestes, les œuvres s’y épanouissent étonnamment bien. Loin d’être réduites, elles arrivent à trouver leur espace et respirent : on circule facilement de l’une à l’autre. Six œuvres constituent l’exposition Collection type où sont représentés la photographie, la peinture, la sculpture et le dessin, et où se croisent différents clins d’œil à l’histoire de l’art.

 

Mur de ciel d’Elvire Bonduelle se dégage d’emblée : soixante-neuf photographies de ciel et de nuages dessinent elles-mêmes la forme d’un nuage géant. L’espace y est, littéralement, ouvert : à la fois sur les idées d’évasion et d’imaginaire (« tête en l’air », « la tête dans les nuages »… les expressions qui rapprochent l’univers aérien à une conception de la liberté ne manquent pas) et sur la pléthore de points de vue que provoque la déclinaison d’un même sujet. Cet inventaire méthodique et poétique peut évoquer la démarche du couple de photographes Becher, que l’artiste prend toutefois à contrepied en soustrayant ces captures oniriques aux vestiges postindustriels initiaux.
L’œil se pose ensuite sur le Motive Power d’Ian Markell, une impression photographique stylisée d’une locomotive qui n’est pas sans rappeler les trains d’Andy Warhol, et plus largement, un intérêt tout américain pour l’esthétique industrielle. En s’approchant de plus près, on bute sur le Pick Nick d’Elise Carron et Eléonore Pano-Zavaroni, sculpture à mi-chemin entre le ready-made et l’art conceptuel : une table de pique-nique repliée en plastique rouge profond, sur les côtés de laquelle sont imprimés les définitions respectives de « Pick » et « Nick », petit rappel ironique à la chaise de l’artiste conceptuel Joseph Kosuth.
Entretien avec une œuvre d’art de Jérôme Cavalière sonne aussi comme une allusion à une œuvre emblématique de l’histoire de l’art : le rond-signature d’Olivier Mosset, peintre du collectif BMPT, est littéralement pris pour cible. Le fameux cercle noir est ici troué par le passage de nombreuses flèches, formant une citation humoristique et légèrement irrévérencieuse.
Juste en bas, l’évocateur Home Sweet Home de Laurent Perbos mêle design et art contemporain : cette lampe de néons joue sur une analogie visuelle avec un feu de bois. Les néons deviennent des flammes, les fils de la fumée et les transformateurs sont comme des braises rougeoyantes… Soit un jeu sur les perceptions simple, efficace et esthétique.
On conclura sur la plus discrète des œuvres, néanmoins très réussie : le dessin in situ Grands Ensembles d’Ibai Hernandorena. Il s’agit d’un simple transfert au mur d’une image imprimée d’un immeuble d’habitation semblant s’effacer, transformant le sujet en carte postale surannée, comme le reflet d’une époque déjà révolue.
Sur un ton léger, ce sont en fait pratiquement des archétypes d’œuvres d’art qui sont exposés. L’exposition doit donc se voir comme la proposition de la réunion de quelques œuvres qui contiendraient en elles quelques problématiques clés de l’art moderne et contemporain. Pour la visiter, rendez-vous sur le site où vous serez informés en temps direct sur l’ouverture du lieu. Et si vous la ratez, n’oubliez pas que cette galerie aime à s’exporter dans d’autres espaces : elle s’installe d’ailleurs prochainement dans un studio de la Cité Radieuse avec une nouvelle exposition fraichement conçue, Comment l’art soigne avec les mots ?.

Estelle Wierzbicki

 

Collection type : jusqu’au 27/02 à la GAD – Galerie Arnaud Deschin (34 rue Esperandieu, 1er).
Rens : 06 75 67 20 96 / www.lagad.eu