Redacted – (Etats-Unis – 1h30) de Brian De Palma avec Rob Devaney, Izzy Diaz, Patrick Carroll…
La guerre de la toile
On pensait tout connaître des codes du film de guerre : des scènes de franches camaraderies à celles de combats violents, en passant par les moments de doutes, de peur et d’ennui, la vie — et la mort — du soldat à l’écran semblait jusqu’ici régie par des règles intangibles et incontournables. Avec Redacted, c’est toute une partie du cinéma américain d’action qui verse d’un coup dans le vieillot et l’artifice ; la guerre « en cinémascope » n’aura plus lieu, nous l’observerons désormais en numérique et en réseau. L’ère est nouvelle, et les images aussi. Pour faire simple, on pourrait avancer l’équation suivante : Guerre + Internet = Redacted. A l’origine du film, il y a bien sûr cette guerre absurde que mène l’occupant américain en Irak. Il y a aussi un fait d’hiver peu médiatisé de ce côté de l’Atlantique : le viol d’une adolescente de quatorze ans et le massacre de sa famille par des GI’s cherchant à s’amuser après une beuverie. Brian de Palma avait déjà réalisé un film sur un fait divers similaire qui avait eu lieu au Vietnam (1) , et s’il a décidé, comme l’Histoire, de se répéter, il le fait aujourd’hui dans un langage nouveau. Très documenté, le film se nourrit de toutes les images postées sur YouTube : journaux intimes de soldats, blogs anti-militaristes, attentats et assassinats filmés par les combattants irakiens… De Palma semble n’avoir rien inventé, se contentant de faire rejouer des scènes vues sur le Net, cherchant à rivaliser avec cette réalité brute et complexe que nous offre le réseau. Pourtant cette apparence fragmentée, presque confuse, qui donne à l’écran de cinéma des faux airs de nos propres écrans d’ordinateur, possède quelque chose de neuf qui marquera très certainement les films de genre à venir. Du même coup, c’est toute une rhétorique classique qui se trouve déplacée. Champ, contre-champ, points de vue, nos outils d’analyse semblent rouillés, et il nous faudra du temps pour adapter notre verbe à ce récit innovant. Toutefois, si l’ambition est certaine, le pari réussi et les moyens nouveaux, le fond, lui, reste le même : la barbarie a encore de beaux jours devant elle.
nas/im
Notes- Outrages, sorti en 1990[↩]