There will be blood – (USA – 2h38) de Paul Thomas Anderson avec Daniel Day Lewis, Paul Dano, Dillon Freasier…
Sang tambours, ni trompettes
Le cinéma est un boulot comme les autres. Il y a un moment où, pour faire son trou, il faut savoir s’imposer auprès de ses collègues. A Hollywood, cela revient peu ou prou à se coltiner à la grande forme, la travailler au corps pour mieux se réinventer en auteur. Si quelques cinéastes échoués des années 90 ont su transformer l’exercice en véritable renaissance (Fincher, par exemple, avec Zodiac), on ne peut pas en dire autant de Paul Thomas Anderson dont le There will be blood s’avère successivement séduisant et franchement ampoulé. Le principal problème du réalisateur a toujours résidé dans la roublardise avec laquelle il aborde le matériau filmique, mêlant l’allégorie biblique frelatée à un art consommé du morceau de bravoure, joli certes (ses travellings ras du sol), mais relativement vain. L’ouverture kubrickienne de There will be blood — merci 2001 — fait mine de balayer les reliquats de ce cinéma-là. En instaurant un silence de cathédrale et en dessinant un univers de gestes, il ouvre la voie à une possible fuite du sens et à un cinéma économe, en moyens comme en stratégies narratives. Cette promesse initiale est partiellement suivie d’effets, Anderson refusant intelligemment d’emmener sa fresque vers la pure confrontation lyrique entre le magnat capitaliste et le faux prophète. Malheureusement, chassez le naturel, il revient au galop : à trop vouloir jouer le jeu du grand chef d’œuvre post-moderne, Anderson et ses acteurs en font des caisses (mention spéciale à Daniel Day Lewis, carrément too much). Finalement, au bout de deux heures trente un peu ennuyeuse, il ne reste rien de la fresque blanche et atone espérée. Juste une réflexion, convenue et surlignée au marqueur, sur le capitalisme américain. Pour la renaissance, il faudra repasser. Quant au sang promis, il est définitivement anémié.
Romain Carlioz