Mad Detective - (Hong-Kong - 1h30) de Johnny To et Wai Ka-fai avec Lau Ching-wan, Andy On, Lam Ka-tung...

Mad Detective – (Hong-Kong – 1h30) de Johnny To et Wai Ka-fai avec Lau Ching-wan, Andy On, Lam Ka-tung…

Re-Mission

cine-maddetective2.jpgUn grand cinéaste s’impose souvent par sa capacité à surprendre en rebattant soudainement les cartes d’un jeu que l’on croyait déjà connaître. L’an dernier, Johnny To semblait avoir atteint le climax de son œuvre abstraite avec le superbe Exilé. Le critique s’apprêtait donc à accueillir son Mad Detective avec la plus extrême circonspection, mâtinée d’une singulière curiosité. La dernière fantaisie de l’auteur d’Election s’articule autour d’une idée plutôt géniale : suivre les pas d’un profiler/médium capable de voir les personnalités inavouées de ses congénères. Toute la splendeur du cinéma de Johnny To réside d’ailleurs dans cette façon de s’approprier élégamment des idées visuelles toutes simples afin de les décliner sur pellicule. Les figures immobiles des gardes du corps de The Mission ou le quadrillage kurosawaïen de la ville par la brigade de PTU constituent autant d’exercices de styles particulièrement sidérants dans la mesure où ils mettent à nu le fonctionnement de la machine cinéma. L’avancée proposée par Mad Detective est avant tout une mise à plat de cet univers. Comme si, pour repartir, il fallait rassembler le film, en intervertir les pièces puis les déposer ailleurs sur l’échiquier histoire d’en éprouver le fonctionnement. L’idée de base — perdre le spectateur dans les méandres des personnalités — se diffuse donc avec une légèreté juvénile, offrant de beaux moments burlesques ou géométriques (un final brillant, version Palais des glaces). S’offrant comme une parenthèse dans son œuvre formaliste, Johnny To ne semble plus vouloir peindre le cinéma à l’œuvre, mais filmer le cinéaste/détective en architecte d’un monde de fantômes. Ultime paradoxe d’un grand auteur : c’est dans ses œuvres mineures qu’il dévoile la grandeur de son cinéma.

Romain Carlioz