Tapage nocturne – Humantronic
La dernière fois que j’ai apposé ma signature en bas de cette rubrique, c’était il y a un mois. Pour le Spart, déjà, et pour un artiste que j’apprécie tout autant, Sascha Funke, ce producteur et dj berlinois qui s’était exilé quelques mois dans les parages. Aujourd’hui, je suis fier de retrouver l’usage de la première personne (je laisse généralement ça aux autres) pour évoquer Fred Flower, ce garçon qui vient d’effectuer le chemin inverse, et qui reste le seul à avoir bénéficié de mes supposés talents de biographe (je laisse généralement ça aux autres, bis repetitae). Avec Humantronic, son nouvel alias, Fred a franchi un cap. Il est en pleine possession de ses moyens, il lui fallait donc tenter Berlin. L’affaire remonte à mars 2006, il y a deux ans tout juste, quand il donne vie au label Neopren avec deux Suisses (Pop 3) et un Allemand (Apoll). Jusque-là, Fred est un Dj actif et talentueux, mais un peu à l’écart des principales familles de la scène phocéenne : il a beau enchaîner les soirées, les projets annexes avec des musiciens, les collaborations avec le spectacle vivant, sa discrétion et son naturel réservé le maintiennent loin des feux de la hype. Tant mieux : les tendances, ça va un temps. Et sa techno est loin de la minimale rampante : si elle se nourrit des dernières évolutions technologiques, elle sait ce qu’elle doit aux grands anciens. Conscient de son potentiel, Fred va donc se lancer à corps perdu dans cette aventure « européenne » qu’il porte littéralement à bout de bras. En deux ans, Neopren aura ainsi vu défiler des noms aussi prestigieux — pour qui connaît un peu l’underground — que Misc, Hakan Lidbo, Cabanne, Mathias Schaffhauser, The Modernist ou Falko Brocksieper. Le plus étonnant dans tout ça, c’est que les plus connus d’entre eux n’ont pas forcément été les plus vendeurs… alors que Fred, qui n’a sorti que deux maxis sur Neopren jusqu’à présent, voit les siens s’écouler comme des petits pains. Là réside une grande nouveauté : Humantronic signe l’arrivée de Fred dans le peloton de tête des outsiders de la production techno, ses qualités de musicien n’étant sans doute pas étrangères à cet état de fait. Une techno hypnotique, massive, groovy, implacable… maximale. A l’heure où la minimale vire deep afin de ne pas tourner en rond, Humantronic prend tout le monde à contre-pied avec ses prods et, pour avril, un nouveau « live » (domaine qu’il maîtrise tout autant que ses mixes). Dans une interview récente, Ivan Smagghe, qui trace lui aussi sa route avec une exigence exemplaire, divisait grossièrement les dj’s en deux catégories : ceux qui sont là pour le mode de vie, et ceux qui sont là pour la musique. Nul doute que Fred appartient à la seconde : quand il joue, il donne à entendre une vision de la techno. Ce n’est pas (encore) son nom qui fédère, mais tout ce qu’il y a derrière. Une connaissance parfaite du dancefloor, une solide maîtrise des outils informatiques, et beaucoup de générosité. Fred a beau être un homme à suivre pour 2008 (ce second passage dans une antre du clubbing pointu en atteste), il est avant tout quelqu’un d’accessible, d’une gentillesse désarmante, et l’un des rares dans ce milieu à m’avoir vraiment donné envie de le suivre — quand bien même nos goûts respectifs restent très différents. Humantronic ? Un mutant doté d’un cœur qui pulse.
PLX
Photo : Emmanuelle Latour
Le 21 au Spartacus, Plan-de-campagne, minuit… all night long
Dans les bacs : Between us Ep (Neopren/Intergroove)
www.neopren-records.com et www.myspace.com/humantronic