Lancée en septembre dernier par la chaîne HBO, en perte de vitesse depuis l’arrêt des Sopranos et la montée en puissance de Showtime (Dexter, Californication), Tell me you love me n’a pas raté son (bon) coup. Précédée d’un parfum de scandale et surtout de stupre, la série créée par Cynthia Mort a fait l’objet d’un gros buzz, justifié, lors de sa diffusion aux USA. Toujours aussi hypocrites quant à leur rapport au sexe, les Américains n’aiment rien tant que se frotter à lui, de près, mais pas trop, préférant assouvir leurs fantasmes ou refouler leurs frustrations via la petite lucarne, véritable cristallisation des maux modernes et soupape virtuelle. Tell me you love me s’inscrit ainsi dans la veine contrariée de Nip/Tuck (critique au scalpel de la société du paraître), de Big love (destruction de la sphère familiale) ou de Journal intime d’un homme marié (sur l’envie d’ailleurs voir ailleurs), en exposant le destin contrarié de trois couples entre la chambre à coucher et le divan d’une psy. Cliniques, impudiques et crues, la mise en scène et la narration révolutionnent la manière de filmer le sexe à la télé, faisant passer les protagonistes de Six feet under pour des enfants de chœur. Mais si sexe à l’écran il y a, s’il est roi, le véritable sujet de la série n’est pas tant le phallus que l’utérus des trois reines de ce conte contemporain : celui en berne de Katie, qui ne fait plus l’amour avec son mari, l’infertile de Carolyn, qui harcèle son mec de la « baiser » pour la féconder, et l’utérus hystérique de Jamie, qui voit son mec la tromper partout. Quelque part entre la psychologie de Seconde chance, l’acuité du regard de Bergman — et ses Scènes de la vie conjugale — et la sexualité frontale croisée chez Von Trier, Tell me you love me bouleverse autant qu’elle interroge. Le propre d’une grande série malade (d’amour).
Henri Seard