Désengagement – (Israël/France/Italie/Allemagne – 1h55) d’Amos Gitaï avec Juliette Binoche, Liron Levo…
Kadosh empoisonné
La polémique, finalement assez affligeante, qui entoure vaguement l’arrivée sur nos écrans du dernier film d’Amos Gitaï permet toutefois de vérifier un bon vieil adage critique : quand vous ne comprenez pas un film, faites comme si vous aviez tout saisi. Le cas échéant, fustigez le manque de clarté de l’auteur, cela vous donnera une contenance. Ainsi, Désengagement, envisagé du strict point de vue de son message — drôle de mot — ne serait pas forcément aussi clair que l’aurait souhaité l’Occidental lambda. Or, nous sommes là face à un cinéaste qui a justement fait de la complexité un des enjeux de son œuvre. Depuis trente ans, Gitaï creuse un sillon mêlant l’intime à l’historique et filme les moindres soubresauts qui agitent sa terre. Son Désengagement se rapproche d’abord des beaux Kippour ou Kadosh par un souci d’évacuer la question du camp en abordant le politique par le corps, cet entre-deux qui cristallise les tensions. C’est d’ailleurs dans l’approche subtile d’êtres en transit et à l’identité vacillante que le film trouve son vrai souffle. L’enjeu n’est donc pas de condamner ou de justifier le désengagement de la bande de Gaza, mais plutôt de questionner ses répercussions sur les hommes, leurs histoires, en les mettant à l’épreuve brute du temps, du plan-séquence. Et c’est finalement là plus qu’ailleurs que le film échoue à séduire. Trop systématique dans sa volonté de substituer un deuil (le père) à l’autre (Gaza), Gitaï foire ses premières bobines, franchement ennuyeuses. Comme si de l’éloignement territorial naissait une certaine incapacité à filmer l’enterrement autrement que comme un cérémonial pompeux. Dommage, car la cérémonie d’adieu aux larmes avait besoin d’intensité, pas d’évidence.
Romain Carlioz