Passe-passe – (France – 1h33) de Tonie Marshall avec Edouard Baer, Nathalie Baye, Guy Marchand…
Le ciel peut (toujours) attendre
Etrange paradoxe que celui de la comédie française contemporaine, incertaine et versatile au point d’en devenir totalement schizophrène et d’afficher ses atermoiements au fronton de nos cinémas de quartier. Depuis deux ans se succèdent à la chaîne des objets populaciers plus que populaires (Camping, Bienvenue chez les Chti’s ou Disco), lointains héritiers du comique « made in France » d’après-guerre ; et d’autres plus sophistiqués — ou du moins tentant de l’être — qui piochent volontiers dans le répertoire américain (Léo Mac Carey, Blake Edwards, etc.) leurs influences originelles. De Quatre étoiles à OSS 117 en passant par Après vous, les fortunes diverses ont au moins le mérite d’insuffler au genre un regain de légèreté qui contraste avec l’allure pataude des tiroirs-caisses surproduits pour meubler les dimanches soirs de TF1. Le cinéma de Tonie Marshall a toujours tendu vers cette forme raffinée de superficialité que maniaient à la perfection les grands classiques hollywoodiens. C’était la principale qualité de son Vénus Beauté, éloge de la transparence élevée au rang de figure de style, habile jeu de surfaces, anecdotique autant que séduisant. Autant dire que Passe-passe manque justement de cette simplicité-là, de cette innocence travaillée qui sauvait ses précédents opus. La machine bâtie par Marshall ronronne sans jamais s’emballer, à force d’incessants trajets en voiture, grossière ficelle narrative sur laquelle le film s’endort posément. D’anecdotique, le récit devient ennuyeux, déléguant au génie lunaire de Baer les derniers soubresauts de classe. Rien à dire et rien à faire : d’un bout à l’autre de la comédie, la mayonnaise ne prend pas.
Romain Carlioz