Rec – (Espagne – 1h20) de Jaume Balaguero et Paco Plaza, avec Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Yamam…
Le labyrinthe de sang
Dans tout critique (pour peu qu’il ait eu le malheur de naître dans les années 80) sommeille un adolescent exalté à l’idée d’assister à une énième intégrale Romero. Ne boudons donc pas bêtement notre plaisir ludo-cinéphile : le dispositif mis en place dans Rec constitue une machine à foutre les jetons plutôt efficace. La première demi-heure du film, avec son exposition oppressante, est même impeccable dans sa manière d’utiliser la matière vidéo et ses possibilités de hors champ (un corps qui tombe, une masse informe qui se dessine entre les pixels). A ce titre, Rec s’avance comme le versant « light » de Cloverfield, un pur slasher débarrassé de tout appareil idéologique et voué à délivrer un divertissement sous acide. L’intention est louable et pourrait contenter le spectateur si le contrat était pleinement rempli. Or, il faut bien dire qu’une fois les chevaux lâchés, on s’ennuie un peu, dans le ventre mou d’un film qui s’arme de velléités sociologiques pataudes pour combler à la truelle les 90 minutes réglementaires… Pire, lorsque la machine repart, Balaguero et Plaza préfèrent avoir recours à de vieux trucs éculés du fantastique espagnol (le bon vieux coup du black-out, genre Amenabar cheap) plutôt que de continuer à fouiller le flux d’image protéiforme dont ils disposent. Là où Rec semblait tisser la voie pertinente d’un gore porté par la force centrifuge de la vidéo, centré sur son dispositif de terreur et les secousses provoquées, il ne reste plus que les oripeaux d’un énième produit gothique espagnol, empêtré dans des justifications mystico-grotesques, digne d’une Bernadette Soubirous trash. Pourtant, c’est bien connu : il est très difficile de prendre son pied sous un crucifix. Et une demi-heure de zombification glaçante ne fait pas un film.
Romain Carlioz