Braises de Catherine Verlaguet par la Cie Artefact
Tout feu, tout femme
En mettant en scène un sujet brûlant d’actualité, Braises de Catherine Verlaguet dessine en filigrane le visage du théâtre populaire.
Le spectacle a séduit le public du Off d’Avignon cet été, dans une France où la place de la femme d’origine maghrébine enflamme plus que jamais le débat public, après avoir notamment mis le feu aux poudres via des faits-divers sanglants, comme l’affaire Sohane Benziane. Catherine Verlaguet s’en est d’ailleurs en partie inspirée, enrichissant son expérience par la conduite d’ateliers de pratique artistique ou d’alphabétisation. « La seule réflexion que je me suis faite à l’époque — j’avais alors quinze ans — était de savoir comment il pouvait être possible que cette fille, qui avait presque mon âge et vivait dans le même pays que moi, sous les mêmes lois, sous l’égide de la devise “Liberté, Egalité, Fraternité”, puisse vivre des choses aussi différentes de mon quotidien. »
Que reproche-t-on à ces jeunes filles ? De vouloir aimer librement sans être écrasées par l’obscurantisme, dans un pays qui se pose la question de son identité nationale. Le texte de Catherine Verlaguet, mis en scène par Philippe Boronad, aborde avec délicatesse le sujet. L’auteur évoque avec poésie deux sœurs, coincées entre envie de liberté et soumission : Neïma (Hayet Chouachi), amoureuse désespérée victime de son désir d’émancipation, et Leila (Leila Anis), la sage, qui se plie au mariage forcé, écrasée par la culpabilité. Dans le rôle de leur mère, la comédienne conteuse Aïni Iften donne un onirisme particulier à ce travail de mémoire en miroir. Le trio raconte, dans une forme de construction « déconstruite » du récit soutenue par la vidéo, la violence mais aussi l’intime de ces trois femmes unies, au-delà du lien familial, par la même douleur. Le spectacle, très rythmé, s’appuie sur un texte fort et drôle, porté par trois superbes comédiennes. La vidéo et le travail sur le son donnent le ton juste pour dire l’horreur sans la montrer, comme si on ne pouvait que retenir le bruit d’une vie ou de tout espoir qui s’échappe dans un silence imposé.
Braises constitue le premier volet d’un triptyque consacré à l’enfermement par la compagnie Artefact, qui poursuit avec succès l’exploration d’un langage scénique transdisciplinaire.
Catherine Verlaguet a signé l’adaptation dramatique de Oh Boy ! de Marie-Aude Murail (Molière Jeune public 2010), vu récemment à La Criée. Elle est partisane d’un théâtre populaire au sens où même s’ils s’avèrent complexes dans leur mise en œuvre, les partis pris dramaturgiques doivent être simples à la réception. « Le théâtre populaire n’est pas un théâtre qui plaît au sens de la masse, mais qui questionne le peuple, la société. Ce qui n’est pas répondre aux questions, mais se servir du vecteur de l’émotion pour interroger la société. Sinon, on ferait du documentaire ou de la politique. Moi, j’aime être à cet endroit-là. »
Marie Anezin
Braises de Catherine Verlaguet par la Cie Artefact :
• Du 28/02 au 1/03 au Théâtre Joliette-Minoterie (Place Henri Verneuil, 2e). Rens. : 04 91 90 74 28 / www.theatrejoliette.fr
• Le 3/03 au Théâtre Le Sémaphore (Rue de Turenne, Port-de-Bouc). Rens. : 04 42 06 39 09 / www.theatre-semaphore-portdebouc.com
Pour en (sa)voir plus : www.artefact-lab.com
• Le 3/03 au Théâtre Le Sémaphore (Rue de Turenne, Port-de-Bouc). Rens. : 04 42 06 39 09 / www.theatre-semaphore-portdebouc.com
Pour en (sa)voir plus : www.artefact-lab.com